Notre enquête sur les lits bébés
Les nourrissons passent la majorité de leurs temps dans leurs lits, pourtant l’air qu’ils y respirent serait contaminé par le formaldéhyde – substance reconnue comme cancérigène depuis 2004. Les médecins de l’Association Santé Environnement France ont mené l’enquête. Résultats.
Les lits testés
L’étude a été menée par le laboratoire d’analyse de l’air TERA Environnement. Ils ont mesuré les taux de formaldéhyde émis par 4 lits différents achetés dans des magasins de la grande distribution allant du bas de gamme (moins de 50 euros) au haut de gamme (plus de 200 euros). Certains sont en bois massif, d’autres en agglomérés (plaquage).
Lits | Points d’échantillonnage |
N°1 | Panneau tête de lit (plaquage) |
Montant tête de lit (bois massif peint) | |
N°2 | Décor tête de lit (plaquage) |
Panneau tête de lit (bois massif peint) | |
N°3 | Montant de lit (bois massif brut) |
N°4 | Montant de lit (bois massif vernis) |
Les mesures
Les éléments de lit étudiés sont placés en salle blanche, et les capteurs positionnés en surface pour une durée entre 5 et 7h30 en fonction des échantillons.
Un préleveur est constitué d’une boîte de Pétri de 35,4mm de diamètre dans lequel est placé un filtre en fibres de quartz (Whatman) imprégné de 2,4-DNPH (DiNitroPhénylHydrazine).
Le composé se déplace de la zone la plus concentrée (surface du matériau échantillonné) vers la zone la moins concentrée (surface du filtre). Un gradient de concentration s’établit dans l’échantillonneur entre la surface du matériau où la concentration est générée par l’émission et la surface du filtre où la concentration est proche de zéro (piégeage par la DNPH).
Un flux de composés va se produire du matériau jusqu’au filtre. Les aldéhydes qui sont émis par ces matériaux diffusent dans le préleveur et sont adsorbés sur le filtre.
Les échantillons sont ensuite récupérés extraits avec de l’acétonitrile puis analysés par HPLC-UV.
Les calculs
Il existe deux approches mathématiques pour évaluer à l’équilibre, la concentration en formaldéhyde dans l’air intérieur à partir de données de flux d’émission du matériau :
D’après Shinohara et al. (2009) : Cint = Cext+ Q/a x V
Avec :
– Cint : Concentration dans l’air intérieur en μg.m-3
– Cext : Concentration dans l’air extérieur en μg.m-3
– V : Volume du logement en m3
– P : Taux de pénétration du composé de l’extérieur vers l’intérieur. Pour les aldéhydes on considère P=1
– a : Taux de renouvellement de l’air en h-1
– k : Somme des taux d’adsorption sur les surfaces et constantes de réaction (0,36h-1 pour le formaldéhyde)
– Q : Somme des taux d’émission des sources intérieures en μg.h-1
En prenant comme hypothèse une chambre de 30m3 (V), une concentration en formaldéhyde dans l’atmosphère extérieure de 2μg/m3 (rapport Afsset, janvier 2007), un taux de renouvellement d’air de 0.5 h-1 (a), et les surfaces émettrices décrites ci-dessus on obtient pour chaque lit une fourchette de concentration en formaldéhyde dans la pièce uniquement due au dégazage du lit étudié.
Voici ci-dessous les résultats obtenus par TERA Environnement.
Lits | Taux de formaldéhyde émis en microgramme / m3
Selon Shinohara |
N°1 | 2.70 |
N°2 | 2.27 |
N°3 | 2.29 |
N°4 | 2.24 |
En juillet 2007, la valeur guide de qualité d’air intérieur (VGAI) fixée par l’AFSSET était de 10 microgramme/m3 pour une exposition sur le long terme.
Les seuls lits émettent donc près d’un quart de la dose de formaldéhyde tolérée. Or, le bébé est en contact avec ce meuble la quasi-totalité de la journée.
Que faire pour réduire la toxicité des lits bébés
Le formaldéhyde est une substance classée comme cancérigène certain par le Centre International de Recherche sur le Cancer depuis 2004. Il provoque des irritations des muqueuses favorisant l’asthme et à long terme des cancers du rhinopharynx ou des leucémies. Comment faire en sorte de limiter l’exposition?
Présente dans les colles et les peintures, le formaldéhyde se retrouve dans les meubles en agglomérés aussi bien que dans ceux en bois massif – qui en contiennent tout de même un peu moins. Le formaldéhyde est à l’origine de multiples affections au rang desquelles des irritations des muqueuses pouvant provoquer des asthmes, mais aussi des cancers du rhinopharynx ou des leucémies pour des expositions longues et répétées.
Si l’on compare les résultats aux valeurs guide de référence édictées par les autorités de contrôle sanitaires françaises, les taux émis par les lits représentent déjà plus d’un quart de la valeur toxique de référence – sans prendre en compte le reste des meubles et peintures polluant l’air de la chambre.
Or, aujourd’hui, ces doses à ne pas dépasser sont basées sur le principe de Paracelse selon lequel « Rien n’est poison tout est poison : seule la dose fait le poison ». Pourtant, ce dernier ne présente plus de garanties puisqu’il convient également de prendre en compte la durée d’exposition, l’âge, le sexe, le mécanisme d’accumulation, les sensibilités individuelles, etc. Or, les nourrissons sont les plus sensibles à ce type de pollution et ils restent dans leurs lits en moyenne 20 heures par jour, ce qui les rend particulièrement vulnérables à ces produits chimiques.
« En menant cette étude, notre objectif n’était pas d’être exhaustif mais de montrer que dès la naissance nous sommes plongés dans un bain chimique. En tant que médecins, nous voulions prévenir et sensibiliser au maximum à la protection des plus sensibles. Aussi, il nous semble absurde d’exposer les nourrissons à cette pollution alors que nous pourrions l’éviter » déclare le Dr Pierre Souvet, Président de l’ASEF.
Le Dr Patrice Halimi, Secrétaire Général de l’ASEF souligne « Avec cette étude, nous espérons inciter les entreprises à mettre sur le marché des produits moins polluants mais aussi inciter les décideurs politiques à rendre obligatoire l’étiquetage des matériaux d’ameublement afin que le consommateur puisse réellement choisir. En attendant, nous conseillons aux parents de mettre le lit à « dégazer » dans le garage quelques mois avant l’arrivée de bébé… L’objectif étant que demain nous ne regrettions pas nos actes d’aujourd’hui ».
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