Pollution des sols par les pesticides
Il y a quelques semaines nous nous sommes intéressés, à l’occasion de la publication des conclusions de la Commission d’Enquête Sénatoriale sur la pollution des sols d’origine industrielle et minière, à cette pollution des sols beaucoup moins médiatique que la pollution de l’air ou de l’eau. Une particularité de cette pollution est d’être relativement ponctuelle, localisée, parfois accidentelle, parfois chronique, résiduelle, sur des sols industriels, miniers ou urbains.
Il ne faudrait cependant pas oublier les pollutions diffuses, essentiellement d’origine agricole, par les nitrates (lisiers, engrais), les phosphates (engrais) et les pesticides (lindane en métropole, chlordécone aux Antilles tous deux interdits depuis plus de 20 ans mais très persistants ainsi que de nombreux autres pesticides plus récents, parfois toujours en usage. S’y ajoute la pollution naturelle, dans certaines régions granitiques, par le radon.
Une étude française publiée dans la revue Agriculture, Ecosystems and Environment en septembre 2020 attire l’attention sur la pollution par ces pesticides souvent associés dans des mélanges et, en particulier, sur la pollution par l’Imidaclopride, principal représentant de la famille des néonicotinoïdes, à la particularité de ses diffuser largement dans l’environnement.
Les résidus de 31 substances étaient mesurés (le glyphosate n’y était pas inclus) dans 180 échantillons de terres cultivées en agriculture conventionnelle mais aussi adjacentes cultivées en bio ou non cultivées. Ces échantillons étaient prélevés sur 60 terrains de 1Km2.
90% des prélèvements analysés contenaient un mélange d’au moins un insecticide, un fongicide et un herbicide.
Les auteurs ont de plus recherché ces 31 substances sur des vers de terre. A noter que, dans 25 échantillons, aucun de ces animaux n’a été retrouvé. De plus, chez 80% des vers présents dans les 155 échantillons restants, est retrouvé de l’Imidaclopride à des taux importants, traduisant un phénomène de bio-accumulation : 43% de ces vers présentaient un taux de 100ppb (partie par milliard), le maximum atteignant 780ppb soit 400fois le taux mesuré dans le nectar de colza traité par cette substance.
Cette étude suggère donc que les néonicotinoïdes peuvent se bio-accumuler dans les vers de terre et donc dans la chaine alimentaire. Ceci semble se confirmer sur des mesures pratiquées sur des micromammifères selon Céline Pélosi, auteur principal de cette étude.
Au moment où ce néonicotinoïde, interdit depuis 2018, mais qui a pu bénéficier cette année d’une dérogation pour les cultures de betterave, on peut regretter le manque de considération pour cette étude en particulier lors du débat parlementaire sur cette dérogation. « La contamination généralisée des sols arables mais aussi de certains autres censés être exempts de substances de synthèse soulève des questions sur l’ampleur réelle de la pollution de l’environnement par les pesticides et ses répercussions » juge John Tooker, professeur à l’université de Pennsylvanie qui n’a pas participé à cette étude.
Les problèmes soulevés aux Antilles par la chlordécone, interdite depuis 1993 et les pathologies qu’elle entraine encore maintenant (cancers de la prostate) n’ont donc pas servi de leçon.
Dr Jean Lefèvre, cardiologue, porte-parole de l’ASEF