Une étude sur la pollution de l'air et Covid-19
POLLUTION DE L’AIR ET COVID-19
Dans une étude publiée dans l’European Respiratory Review – une des revues de l’European Respiratory Society [1] – médecins et chercheurs des universités de Strasbourg, Paris-Sorbonne et Harvard publient un état des lieux des connaissances entre pollution et COVID-19.
Il en ressort que l’exposition chronique, sur plusieurs années, à la pollution de l’air constitue un facteur de risque de décéder ou de faire des formes graves de COVID-19 ; en l’effet l’exposition à la pollution de l’air majore le risque de maladies respiratoires, cardio-vasculaires et diabète qui sont également des facteurs de co-morbidité du COVID-19.
Cette étude s’est également penchée sur les relations entre polluants de l’air et virus respiratoires, à la fois dans l’organisme et dans l’air ambiant. Il en ressort qu’une exposition notamment aux polluants du trafic routier (NO2 et particules ultrafines de combustion) – simultanément ou précédant de quelques heures à quelques jours l’exposition à virus – favorise nettement la réplication virale et donc l’apparition des maladies. À titre d’exemple l’exposition préalable au NO2 chez la souris diminue par un facteur 100 la dose de virus nécessaire pour être infectant.
Les études expérimentales chez l’homme et chez l’animal ont bien démontré qu’une exposition aux polluants de l’air même brève entraîne une sidération des défenses immunitaires notamment une altération des macrophages et des protéines anti-microbienne sécrétées par l’épithélium respiratoire. L’exposition à la pollution de l’air facilite également l’activation des protéases qui elles-mêmes – via le clivage des protéines de surface du Sars-CoV tel que la Spike protéine – permettent la liaison du virus à son récepteurs ACE2. Les polluants de l’air favorisent donc la liaison du virus à son récepteur et donc la pénétration intracellulaire du virus.
Cette étude rappelle également qu’une bonne partie du Sars-CoV-2 se trouve sous forme d’aérosols à savoir des microgouttelettes de 1 à 5 µm qui peuvent persister longtemps en suspension dans l’air, en fonction de la température, UV, humidité et vent par exemple. Sous forme d’aérosols, le virus se comportera comme une particule fine (aérosol et particule fine sont synonymes) et pourra même être véhiculé par d’autres particules fines comme cela été démontré notamment pour les particules de sable sur lesquelles ont été mis en évidence de nombreux agents infectieux tels que des bactéries, champignons mais également virus. Des études portant sur la grippe aviaire ont démontré par exemple des cas de transmission de virus de la grippe aviaire lors d’épisodes de tempête de sable sur des poulaillers pourtant distants de plusieurs centaines de mètres.
Néanmoins même si le transport de certains virus par les particules semble être acté, l’hypothèse de cas de transmission de la COVID-19 par l’intermédiaire de particules fines reste à la fois débattue et marginale, en effet le principal effet de la pollution de l’air sur la transmission du COVID-19 provient essentiellement de la sidération des défenses immunitaires qui facilite donc la diffusion et la propagation du virus et l’apparition de la maladie.
D’autres interactions ont été rappelées dans cette étude notamment les connexions entre météorologie – pollution de l’air et persistance du virus sous forme d’aérosols dans l’air. En effet certaines conditions météorologiques telles que fort ensoleillement avec rayons ultraviolets sont relativement peu propices à la persistance du virus dans l’air, à l’inverse un taux d’humidité relative approprié et une importante pollution notamment particulaire vont pouvoir favoriser la persistance du virus dans l’air sous forme d’aérosols. Les particules fines vont diminuer la pénétration des rayonnements ultraviolets – qui ont une activité antivirale et en diminuant la pénétration des rayonnements ultraviolets la pollution de l’air va diminuer la synthèse de vitamine D par l’organisme, or la vitamine D joue un rôle important dans les défenses immunitaires, et la carence en vitamine D est associée à une baisse des défenses immunitaires et même – dans certaines études – à des cas plus graves de COVID-19.
Cette étude rappelle donc que la pollution de l’air – à la fois à long terme à court terme – constitue un facteur aggravant de la maladie COVID-19 et que la pollution de l’air ainsi que les données météorologiques devraient être davantage pris en compte dans les prévisions et dans les stratégies de luttes contre la COVID-19.
Dr Thomas Bourdrel, médecin radiologue, fondateur du collectif Strasbourg Respire et membre de l’ASEF.
[1] L’impact de la pollution de l’air extérieur sur le COVID-19 : un examen des preuves provenant d’ études in vitro , animales et humaines ; Thomas Bourdrel , Isabella Annesi-Maesano , Barrak Alahmad et al. ; Revue respiratoire européenne 2021 30: 200242; DOI:10.1183 / 16000617.0242-2020