Le débrief de l'ASEF du 16 novembre 2017

Bonjour à tous,

L’Association Santé Environnement France s’intéresse cette semaine à la pollution de l’air d’origine maritime dans les zones portuaires et aux solutions pour la réduire.

Tour d’horizon ensuite du gaspillage des médicaments non utilisés qui restent dans nos pharmacies familiales. Pour sensibiliser la population à ce gaspillage et à la pollution environnementale qui en découle, l’ASEF a lancé son opération « Rapportez vos médicaments non utilisés à votre pharmacie ». Plus de détails dans ce débrief.

La pollution de l’air d’origine maritime dans les zones portuaires

Le transport maritime est le mode de transport le plus important dans le monde pour les marchandises. Pour les passagers, il subsiste dans 2 créneaux importants : les croisières et les traversées courtes, le plus souvent par ferry.

Globalement, ce trafic augmente, représentant en 2015 80 % du commerce mondial en volume. En 2012, 50 000 navires naviguaient dans le monde entier.

La pollution maritime est la cause de 60 000 décès par an en Europe et coûte aux services de santé européens 58 milliards d’euros par an, selon une étude de l’Université de Rostock et du centre de recherche Helmhol Zentrum de Munich.

Par son influence limitée à la côte, la sensibilisation à cette pollution a été tardive. De plus, la nature internationale du trafic rend la réglementation plus difficile d’autant que les ports se livrent une concurrence importante.

La problématique de la pollution de l’air par le trafic maritime au niveau des zones portuaires prend donc de plus en plus d’importance et mérite que l’on s’y arrête.

Une zone portuaire est le carré de 100 kms de côtes dans lequel s’inscrit le port. Bien entendu, les zones urbaines en contact avec le port sont particulièrement exposées.

Les navires utilisent du fioul lourd, carburant le moins cher et le moins raffiné, contenant en particulier du soufre ou du diesel marin selon leur activité.

a) Nature des émissions :

– Gazeuses : oxydes de soufre (SOx), oxydes d’azote (NOx), oxydes de carbone (CO et CO2)

– Microparticules : PM10, PM2,5 et PM0,1 ultrafines auxquelles s’associent des métaux lourds, des sulfates.

– Hydrocarbures aromatiques polycycliques en phase gazeuse ou solide.

b) Législation :

Depuis 2012, la teneur en soufre du fioul ne peut dépasser 3,5 % pour les navires du fret, 1,5 % pour les navires passagers.

Les navires à quai plus de 2h ne doivent utiliser lors des escales que du fioul dont la teneur en soufre est inférieure à 0,1 %.

A partir de 2020, la teneur en soufre ne devra pas dépasser 0,50 % pour tous les navires.

A noter que dans le nord de l’Europe (dont le nord de la France), les carburants ne peuvent contenir plus de 0,1 % de soufre.

c) Importance de la pollution aérienne des ports :

La pollution d’origine maritime s’intègre dans la pollution générale de la zone portuaire qui comprend aussi :

  • La pollution secondaire aux infrastructures, en particulier de transport routier nécessaire à la logistique, les industries proches de la zone portuaire.
  • La pollution propre à la ville, transport routier, chauffage, etc.

Pour Marseille, par exemple, cette pollution maritime représente 5 à 10 % de la pollution totale, 15 à 20 % de la pollution par les PM et peut atteindre parfois 30 % pour les NOx.

Selon la météorologie  (vents / conditions anticycloniques) et la géographie de la ville, l’importance de la pollution maritime peut varier.

Une prise de conscience semble se développer depuis quelques années et de nombreuses démarches se mettent en place, freinées par les lobbies et les contraintes économiques.

a) Utilisation du GNL (Gaz Naturel Liquéfié) à la place du fioul lourd. Elle réduit de 100 % les émissions de SOx, de 80 % celles de NOx et de 20 % celles de C02. C’est la politique prévue par certains armateurs (CMA-CGM) et croisiéristes.

b) L’alimentation électrique à quai permet l’arrêt des moteurs pendant l’escale. Le fonctionnement des moteurs au fioul lourd à quai, quand l’escale est inférieure à 2h, représente la plus grande partie de la pollution dans le port. Il est à noter que dans le port de Bastia, 1er port passager de France, 60 % des escales durent moins de 2 heures et qu’à Toulon, toutes les alimentations électriques des bateaux militaires sont à quai. Bien sûr, le courant venant du nucléaire, on déplace donc la pollution vers celle des déchets nucléaires !

c) Épurateurs (scrubbers) au niveau des cheminées. Ils réduiraient de plus de 90 % les émissions de soufre en neutralisant les gaz d’échappement à l’aide d’un fluide qui les absorbe.

d) Contrôle des émissions des navires. Il faut renforcer les contrôles et les amendes en cas d’infraction qui, dans les zones d’émissions contrôlées (ECA ou SECA) sont notoirement insuffisantes.

Au rythme de la progression du trafic maritime (navires de croisières et super tankers de plus en plus grands), vouloir faire croire que l’on peut concilier écologie et activité maritime tient de l’escroquerie intellectuelle. La logique restant économique et les coûts de la santé induits à long terme n’étant pas pris en compte, c’est d’une réflexion sur l’antinomie (croissance économique – mondialisation / santé, réchauffement climatique et écologie) suivie d’actions concrètes dont nous avons tous besoin. Ou bien, on poursuit dans une économie libérale débridée basée sur la croissance et les lois du marché et on a le courage de dire qu’on ne tiendra pas les objectifs écologiques de la COP21 (la preuve : le CO2 a continué d’augmenter depuis la COP21), ou bien on change de logiciel économique vers la sobriété et le partage des richesses.

                                 Jean Lefèvre, cardiologue et porte-parole de l’ASEF

Lancement de l’opération : Rapportez vos médicaments non utilisés à votre pharmacie

En France, 3,1 milliards de boîtes de médicaments sont vendues en pharmacie chaque année, soit environ 48 boîtes de médicaments par personne et par an. En 2013, les Français étaient d’ailleurs les troisièmes plus gros consommateurs de médicaments dans le monde, derrière les Etats-Unis et le Japon.

Mais, au-delà de la consommation, il existe un gaspillage important de médicaments. Chaque année, d’énormes quantités terminent à la poubelle !

Selon le rapport « Enquête sur le dispositif de recyclage des médicaments Cyclamed » de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) publié en 2005 (1), « beaucoup de malades suivent imparfaitement la posologie et la durée du traitement prescrit, en diminuant majoritairement les quantités consommées. De plus, compte tenu du tiers payant, le consommateur ignore souvent le montant de sa dépense. C’est pourquoi les malades se débarrassent parfois de boîtes de médicaments entières ou à peine entamées ». L’IGAS estime donc que près d’un médicament remboursé sur deux n’est pas consommé et qu’en 2003, seuls 5,7 % des médicaments vendus sont recyclés par Cyclamed, soit une faible part des médicaments non consommés.

Pour les particuliers, les seules données disponibles proviennent de Cyclamed, l’association chargée de la collecte et de l’incinération des médicaments inutilisés et rapportés dans les officines. L’association estime à 23 500 tonnes les médicaments inutilisés, soit pas loin de 14 % des 170 000 tonnes de boîtes de comprimés et autres sirops vendus en France, pour un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros par an. Ce gaspillage atteindrait donc 7 milliards d’euros chaque année !

En 2015, toujours selon Cyclamed, ce sont 12 108 tonnes de comprimés qui ont été récupérées auprès des pharmacies. Auxquelles il faut ajouter les centaines de kilos partis dans les déchets ménagers ou dans les éviers. Un gâchis difficile à évaluer…

En 2016, 11 884 tonnes ont été collectées. Cela représente en moyenne 181 grammes par habitant et 63 % du total estimé, à en croire Cyclamed (2). Si l’on ajoute les emballages rapportés en pharmacie et les produits de parapharmacie, ce nombre s’élève à 15 874 tonnes.

En mars 2017, le sondage mené par l’institut BVA pour Cyclamed révèle que 79 % des personnes interrogées disent rapporter leurs médicaments non utilisés chez le pharmacien et 6 personnes sur 10 le font « toujours ».

Outre le gaspillage des particuliers, il faut aussi mettre en compte celui des hôpitaux, pour l’essentiel des produits en stock qui ne sont pas utilisés et se périment. Selon des estimations, ce gaspillage représenterait entre 0,5 % et 2 % du budget annuel des pharmacies hospitalières, soit 50 millions d’euros.

Mais, la seule étude chiffrée sur la valeur des médicaments jetés chaque année concerne les maisons de retraite (3). Réalisées par deux universitaires, cette étude évalue le gaspillage à 31 centimes d’euro par jour et par résident, soit plus de 80 millions d’euros par an pour quelque 720 000 pensionnaires.

Conséquences

Le premier risque des médicaments concerne l’automédication. Elle peut être une source importante de dangers, en cas de réutilisation d’un comprimé prescrit préalablement. Comme il y a souvent une « sur-prescription » de médicaments, et comme les laboratoires conditionnent des boîtes qui contiennent parfois plus qu’un traitement, l’usager peut se constituer un stock. Il peut ainsi se servir dans la pharmacie familiale pour guérir un symptôme déjà connu, et donc utiliser des médicaments loin d’être anodins comme des anxiolytiques, des antibiotiques ou des anti-inflammatoires. La vente des médicaments à l’unité va permettre de remédier à cette pratique et de diminuer ce risque.

Par ailleurs, ce gaspillage a d’énormes répercussions sur l’environnement. Ainsi, de nombreux médicaments se retrouvent notamment dans les milieux aquatiques. Cette pollution de l’eau est invisible mais importante.

L’intérêt pour la contamination de l’eau par les résidus médicamenteux est apparu à la fin des années 90. A cette époque, des perturbateurs endocriniens ont été détectés dans les rivières et les effluents des stations d’épuration. Même à de très faibles concentrations, ces résidus ont une activité biologique, susceptible d’avoir des effets sur les organismes : poissons, mollusques, microorganismes, algues… Par exemple, l’éthinylestradiol, un composant des pilules contraceptives, a été incriminé dans les phénomènes de féminisation de poissons (4). Le risque, s’il est indéniable sur la biodiversité, reste encore aujourd’hui difficile à évaluer chez l’homme.

Du fait de la dissémination des médicaments dans l’environnement, on voit également émerger des résistances aux antibiotiques (5). Ces derniers génèrent une résistance au niveau de la flore et de la faune qui finit par ressurgir sur l’homme. Les derniers chiffres publiés en 2015 ont montré une forte consommation d’antibiotiques et la pression exercée par cette hyperconsommation entraîne des sélections bactériennes qui deviennent alors un réservoir de résistances. C’est un problème actuel très important !

Face à ce constat, l’Association Santé Environnement France a décidé de lancer l’opération « Rapportez vos médicaments non utilisés à votre pharmacie » afin de sensibiliser le public au gaspillage des médicaments, via leurs médecins. L’association a donc créé des tampons encreurs qui seront distribués aux médecins généralistes et spécialistes. Ils pourront apposer le tampon sur chaque ordonnance.

En tant que professionnel de santé, si vous souhaitez commander un tampon, vous pouvez envoyer un mail à Marion Welsch, chargée de mission de l’ASEF : marion.welsch@asef-asso.fr ou appeler le 04 88 05 36 15.

Sources :

(1) « Enquête sur le dispositif de recyclage des médicaments Cyclamed » par Etienne Grass et Dr Françoise Lalande, membres de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, IGAS – Rapport n° 2005 001, janvier 2005.

(2) Cyclamed : https://www.cyclamed.org/les-chiffres-de-la-collecte-2016-6426

(3) Structure et coût des médicaments non utilisés au sein d’établissements pour personnes âgées (étude SCMNU1), apport médico-économique d’un système d’information dédié au suivi des traitements à l’unité de prise en pharmacie de ville, Francis Megerlin et François Lhoste. https://www.medissimo.fr/wp-content/uploads/2014/08/16-Stucture-et-cout-des-m%C3%A9dicaments-non-utilis%C3%A9s-au-sein-d%C3%A9tablissement-pour-personnes-ag%C3%A9es.pdf

(4) Michael A. Thomas and Rebecca D. Klaper, “Psychoactive Pharmaceuticals Induce Fish Gene Expression Profiles Associated with Human Idiopathic Autism,” PloS One 7, no. 6 (2012): e32917, doi:10.1371/journal.pone.0032917. Owen R, Jobling S., Environmental science: The hidden costs of flexible fertility, Nature. 2012 May 23;485(7399):441

(5) Alberto Antonelli et al., “OXA-372, a Novel Carbapenem-Hydrolysing Class D Β-Lactamase from a Citrobacter Freundii Isolated from a Hospital Wastewater Plant,” The Journal of Antimicrobial Chemotherapy 70, no. 10 (October 2015): 2749–56, doi:10.1093/jac/dkv181.

A jeudi prochain et d’ici là portez-vous bien !

Le Club des 11 de l’ASEF