"L'EAU QUI PIQUE" ou comment la biodiversité peut nous protéger des moustiques- Episode 6

 

Gilles PIPIEN, Administrateur Humanité et Biodiversité

À l’occasion de la Journée mondiale des zones humides (2 février) dont le thème
pour l’année 2020 met à l’honneur la biodiversité, Gilles Pipien vous conte
l’histoire des humains et des moustiques à travers un récit palpitant et riche en
rebondissements. Plongez dans l’univers des zones humides, découvrez leurs
intérêts écologiques et que l’envie d’apprendre soit avec vous !

Episode 6: Le retour du citoyen : des solutions faciles

 

Prologue : Une espèce de moustique n’a pas besoin des zones humides pour se développer et venir nous piquer : le moustique tigre. Vecteur de nombreuses maladies, dont certaines sont mortelles pour l’homme, le moustique tigre représente un véritable problème de santé publique. Résistant aux insecticides, il s’est totalement adapté à l’environnement urbain qui favorise son développement. Le moustique tigre a trouvé en ville un lieu de vie idéal à son développement et il n’est pas rare qu’il élise domicile… à notre domicile !

 

Découvrir L’Eau qui Pique – Episode 5 : Les moustiques contre-attaquent : le tigre débarque

Alors ? On va tous mourir ? Peut-être pas, si, là encore, on comprend, et on agit en conséquence. Les conseils de l’EID Méditerranée sont d’ailleurs pertinents (qui a créé un site internet dédié à notre ami le moustique tigre [17] : partez à la chasse à tous les récipients pouvant être secs d’abord puis, ensuite, se remplir, comme les coupelles (mettez-y du sable, ou videz-les régulièrement, ou, supprimez-les!), les siphons de bord de terrasse, les gouttières, etc. Donc videz, couvrez, rangez, nettoyez, bref, empêchez le moustique d’accéder à l’eau : si on s’y met tous, on y arrivera.

Et puis, des pièges à moustiques arrivent sur le marché : ceux à carbone semblent efficaces. Ha, aussi, si vous êtes dans le midi (mais le climat méditerranéen remonte…), évitez donc de mettre pelouses à arroser et sympathiques ombrages : laissez-vous séduire par le jardin méditerranéen, avec thym et lavande. Il est beau, il sent bon (y compris en cuisine !), et il n’a pas besoin d‘eau (de belles économies en perspective). Non, la citronnelle n’a aucun effet : pire, si vous l’arrosez…. Une pièce d’eau ? Alors, tenez, introduisez des petits gambusies ou des poissons rouges. Ces voraces goberont les larves (attention, à ne pas les introduire dans les zones humides, car les gambusies sont envahissants et si gloutons, qu’ils gobent les œufs des autres poissons, les têtards et autres alliés de notre lutte antimoustiques !). Enfin, installez des nichoirs pour les chauves-souris (bien qu’elles ne chassent que la nuit, et préfèrent plus gros insectes comme un papillon de nuit), pour les hirondelles (quels beaux loopings au-dessus des nappes d’eau au crépuscule, pour gober mouches et moustiques) ou pour les mésanges (avides d’insectes). De nombreuses communes vous y aideront et agissent déjà dans leurs espaces publics, comme Hyères (Var), Saint-Priest (Rhône, en lien avec la LPO) ou Paris (dans le cadre de son plan biodiversité).

Quant aux malades contaminés à l’étranger, et détectés à leur retour, pourquoi ne généralise-t-on pas des pratiques des hôpitaux de Marseille, qui ont prévu des salles ou chambres protégées de moustiquaires, avec des soignants totalement couverts par des vêtements couvrant, à manches et pantalons longs ?

Mais, je ne vous ai pas parlé des dernières armes en date. Tout d’abord, la stérilisation des mâles par forçage génétique, très prisée par des start-up, qui ne se sont pas gênées pour lâcher de tels insectes au Brésil ou dans des îles, sans aucune autorisation, ni précaution, aboutissant à l’émergence  d’hybrides ! Il y a aussi l’infestation volontaire de femelles par la bactérie Wolbachia, qui les rendraient incapables de transmettre les virus de la dengue ou du zika et modifierait leur mode de reproduction. Il y a enfin la lutte par la technique de l’insecte mâle stérilisé par irradiation, mais elle n’en est qu’au stade de l’expérimentation. Prudence !

La morale de l’histoire ? Pour les zones humides temporaires, à limiter absolument, il n’est pas simple d’intervenir. Dans nos jardins, la prévention citoyenne et collective est un enjeu majeur, et la biodiversité peut nous aider à contrer des moustiques potentiellement dangereux pour la santé.

Et les zones humides permanentes ? C’est beau, c’est utile. Ne vous trompez pas de cibles, elles ne sont donc pas les seules à accueillir des moustiques, et surtout, elles contribuent, bien gérées, à les maîtriser, et sans épandage de produits chimiques : pas cher ! Plus de biodiversité, plus de santé.

Remerciements à Mylène Weil, université de Montpellier, Marion Wittecoq, Tour du Valat et aux spécialistes EID Méditerranée et Jean-Michel Berenger

Tourbière ©EID Méditerranée - Dominique Gindre