Les brèves de l'ASEF- 15 octobre 2021
Bonjour à toutes et à tous,
Au menu des nouvelles brèves automnales : le point du Dr Alice Baras sur le mercure dentaire, et la tribune du Dr Pierre Souvet dans le Quotidien du médecin.
Bonne lecture,
Prenez bien soin de vous et de vos proches.
Mercure dentaire et santé-environnement, le point avec Esteban
Le 1er juillet 2021, Santé publique France publiait son rapport dédié à la biosurveillance des français concernant les métaux lourds parmi lesquels figure le mercure. Ce métal est toxique pour les humains et les écosystèmes. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) le classe parmi les dix produits chimiques les plus préoccupants pour la santé publique. [1] La revue de littérature réalisée dans le cadre de l’étude ESTEBAN [2] indique que l’exposition chronique à celui-ci, même à de faibles concentrations, peut entraîner une toxicité cardiovasculaire, reproductive et développementale, une neurotoxicité, une néphrotoxicité, une immunotoxicité et une cancérogénicité.
La prise de conscience des enjeux en lien rend les résultats concernant l’exposition des français au mercure remarquables. L’étude distingue les niveaux d’imprégnation par le mercure capillaire et par le mercure urinaire. Concernant le 1er, les taux de quantification étaient de 100 % chez les enfants et de 99,6 % chez les adultes. La recherche des déterminants de l’exposition a confirmé les facteurs alimentaires d’exposition connus dans la littérature comme la consommation de poissons et de fruits de mer. Concernant le mercure urinaire, qui reflète l’exposition au mercure élémentaire et inorganique, les taux de quantification étaient de 99,4 % chez les enfants et de 95,6 % chez les adultes. Le facteur d’exposition principal retrouvé est la présence d’amalgames dentaires – ou plombages gris conformément à la littérature aussi bien chez les enfants que chez les adultes. Plus les sujets présentaient des amalgames en bouche – ou plombages gris – plus les niveaux d’imprégnation augmentaient.
Les résultats de cette étude sont donc une formidable opportunité de faire le point sur ce sujet qui fait polémique depuis de nombreuses années. La France est, selon les estimations de la Commission Européenne, le plus gros utilisateur de mercure dentaire en Europe. [3]
Dr Alice BARAS, chirurgien-dentiste, membre de l’ASEF, et spécialisée dans la formation aux enjeux de santé environnement et la facilitation des professionnels de santé à intégrer la démarche écoresponsable au cœur des cabinets de santé
Santé environnementale, quels défis ? Interview Quotidien du médecin
« Selon un rapport parlementaire présenté la semaine dernière, 23 % de la mortalité dans notre pays serait d’origine environnementale. Améliorer la situation nécessite d’agir en amont sur les paramètres qui influent sur la santé des populations. Des instruments existent.
Pierre Souvet en dresse la liste et et appelle les professionnels de santé à s’en saisir.
Le coût de l’inaction n’est plus acceptable
Depuis 2006, ce médecin se bat pour faire reconnaître l’impact de l’environnement sur la santé. Il plaide auprès de ses confrères pour mettre en évidence l’incidence des facteurs environnementaux sur la santé et l’importance de les prendre en compte pour le système et les acteurs de santé. Pour lui, c’est une urgence. Il explique ici comment y répondre efficacement.
Les chiffres ne mentent pas : augmentation croissante des dépenses de santé, déficit chronique, explosion des maladies chroniques avec plus de 20 millions de patients atteints et la CNAM estime à 500 000 personnes vivantes de plus à traiter en 2023 (rapport 2020). Si notre système de
santé veut perdurer, il faut changer nos mentalités. Il nous faut avoir une vision globale de la personne qui nous consulte. La santé c’est le soin et la prévention. Cette prévention n’est pas seulement celle des attitudes individuelles (tabac, alcool …) c’est celle des facteurs de risque environnementaux qui ont comme particularité d’être involontaires et subis, et que l’on comprend mieux maintenant grâce à la multitude d’études à notre disposition : qualité de l’air, perturbateurs endocriniens, pesticides,
ondes électromagnétiques, nanoparticules, sans oublier les liens santé avec le climat et
la biodiversité…
Un exemple frappant est le coût de la pollution de l’air ; il est estimé en France par le Sénat à plus de 100 milliards d’euros par an avec, selon les études, de 48 000 à 96 000 décès par an : Tokyo en agissant de manière draconienne et collective sur la réduction du taux de particules fines (interdiction du diesel en ville en 2000) a réduit la mortalité cardiovasculaire de 11 % et pulmonaire de 22 %. Quel médicament est capable d’un tel résultat ? ! Les produits chimiques de synthèse comme les perturbateurs endocriniens et les pesticides (dont beaucoup ont une activité perturbatrice endocrinienne) sont aussi un problème majeur. Ils sont liés aux maladies métaboliques, cancers, troubles de fertilité, troubles cognitifs ; et nous y sommes exposés quotidiennement dans les produits de consommation courante et l’alimentation ; l’étude ESTEBAN confirme qu’adultes comme enfants sont tous contaminés aux PE (bisphénols, phtalates, retardateurs de flamme, etc…), pesticides et métaux lourds. Agir sur les facteurs de risque pour limiter les expositions. Comment penser que manger moins gras, salé et sucré, ne pas fumer ni boire, manger moins salé sont suffisants en termes de message sanitaire de prévention ? Les populations les plus en difficulté ont souvent un environnement dégradé et ont des difficultés à accéder aux actions préventives. Agir sur ces facteurs de risque aura des conséquences positives sanitaires, économiques mais aussi sociales. Comment penser aussi que la toxicologie actuelle est efficace pour nous protéger ? Car chaque produit est testé individuellement alors que les effets synergiques des dizaines de substances toxiques qui nous contaminent ne sont pas étudiés… Nous pouvons limiter notre exposition mais pour cela il faut être informé et formé. Le professionnel de santé est un relais essentiel auprès des populations, il a sa confiance mais n’est pas suffisamment en capacité de prodiguer les conseils utiles, en particulier dans les périodes de procréation et de l’enfance, périodes clés pour le futur sanitaire de l’enfant à naître mais aussi pour toutes les périodes de la vie. Vous parait-il cohérent qu’une femme atteinte d’un cancer du sein continue à absorber les produits chimiques aux effets oestrogéniques présents dans l’alimentation ou des produits de consommation à cause d’un manque d’information ? Cette formation sur les facteurs de risque environnementaux est indispensable et il est incompréhensible qu’elle ne soit pas obligatoire dans le cycle des études de santé et aussi sporadique en formation continue. Mais une prévention individuelle ne suffira pas et il faut des décisions collectives et publiques fortes d’information ou d’interdiction. Notre système de santé, admirable, ne survivra pas sans la prévention des facteurs de risques environnementaux. Voulons-nous remplacer la carte verte vitale par la carte bleue ? Il est temps d’agir. »
Le quotidien du médecin hebdo, p.36 – 9913 – Vendredi 1er octobre 2021
AGENDA
Le 15 octobre, l’ASEF interviendra lors des 14èmes RENCONTRES : « SANTÉ RESPIRATOIRE : QUELS IMPACTS DE L’ENVIRONNEMENT ? » de l’association Santé Respiratoire France.
Le 29 novembre, Martine Vergnol, consultante en lactation certifiée ILBCLC et membre de l’ASEF, animera une formation « polluants et lait maternel ». Celle-ci est prévue en présentiel à Paris, mais il est aussi possible de la suivre à distance le jour J. Plus d’informations et inscription
SOURCES
[1] OMS. Ten chemicals of major public health concern. Mise à jour juin 2020. www.who.int/news-room/photo-story/photo-story-detail/10-chemicals-of-public-health-concern
[2] Oleko A, Fillol C, Zeghnoun A. Saoudi A Gane J. Imprégnation de la population française par le mercure. Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016. Saint-Maurice : Santé publique France, 2021. 53 p. www.santepubliquefrance.fr
[3] Commission européenne. Évaluation de la faisabilité de l’élimination progressive de l’amalgame dentaire – Rapport final. 2020