Les brèves de l'ASEF du 13 juin 2019
Bonjour à toutes et à tous,
Au menu de ces brèves, nous parlerons de la baisse de la qualité du sperme en suisse, du retrait d’un fongicide reconnue comme perturbateur endocrinien et de l’étiquetage A+ des peintures. Bonne lecture !
BAISSE DE LA QUALITE DU SPERME EN SUISSE – PAR LE DR LEFEVRE.
Une étude récente, publiée le 21 mai 2019 dans la revue Andrology [1] révèle un fort déclin de la qualité du sperme en Suisse.
Cette étude, menée sur une cohorte de jeunes suisses (2523 conscrits volontaires entre 2005 et 2017) recrutés lors de la conscription parmi 92.274 jeunes adultes agés de 18 à 22 ans, de 2005 à 2017 ; ces jeunes hommes provenaient de toutes les régions suisses et cet échantillon pouvait donc être considéré comme représentatif de la population.
Elle interpelle car elle montre que seuls 38% de la cohorte ne montre aucune atteinte des 3 paramètres considérés : Concentration (nb/ml), Mobilité (asthenozoospermie) et Forme (tératozoospermie). Avec 47 millions par ml (M/ml) en moyenne, le sperme suisse est parmi les moins concentrés en Europe (>60M/ml en Finlande et Estonie, 62M/ml en Espagne, environ 50M/ml en France, 41M/ml en Norvège ou au Danemark). L’InVS en 2013 avait montré que la concentration du sperme en France avait diminué de 32% entre 1989 et 2005. [2]
17% des jeunes suisses présentaient des concentrations inférieures à 15M/ml, seuil, selon l’OMS, des «subfertilité» ; dans cette population était retrouvée une plus forte proportion de cryptorchidie (8.5%) et, à un moindre degré, de varicocèle.
41% de la cohorte présentent la valeur d’un paramètre inférieure à la référence de l’OMS, 16% les valeurs de 2 paramètres inférieures à cette référence, 5% les valeurs des 3 paramètres sont affectées.
Ce phénomène s’inscrit dans une tendance mondiale qui touche les pays industrialisés (Human Reproduction Update juillet 2017) : diminution d’environ 50% en 40 ans, passant entre 1977 et 2011 de 99M/ml à 47M/ml (Valeur normale 15 à 200M/ml selon l’OMS).
L’autre intérêt de cette étude est de ne pas avoir montré de différence entre milieu urbain et rural, entre des cantons de mode de vie différents , romans, alémaniques ou italophone mais d’avoir montré un lien entre diminution de la qualité du sperme et tabagisme maternel : chez les 17% de jeunes suisses ayant moins de 15M/ml, 18% des mères fumaient pendant la grossesse contre seulement 11 % pour ceux dont le nombre dépasse 40M/ml.
Axelsson (Plos One 2018) avait lui aussi retrouvé un lien entre tabagisme paternel pendant la grossesse et qualité du sperme du fils (concentration inférieure de 41% par rapport aux pères ne fumant pas). [3]
L’étude française de l’INVS retrouvait, elle, une atteinte plus marquée en Aquitaine et Midi-Pyrénées en faveur d’un rôle joué par les pesticides. [4]
On peut regretter que cette étude, menée de 2005 à 2017, ne se soit pas attachée à apprécier une éventuelle évolution de ces paramètres le long de ces 12 années, évolution sans doute difficile à mesurer sur une cohorte somme toute relativement réduite pour cette mesure.
En conclusion, cette étude montre, dans une population originale par son recrutement sur la conscription, que la Suisse s’inscrit dans un déclin de la qualité spermatique constatée dans les autres pays européens avec des causes probablement multiples, en particulier environnementales. En effet le poids des perturbateurs endocriniens auquel participent les pesticides et le tabac (en particulier le cadmium) semble notable en particulier chez le fœtus pendant la grossesse.
Retrait du marché de l’époxiconazole
Le 19 avril, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, l’environnement et du travail) a émis un avis relatif au caractère perturbateur endocrinien de l’époxiconazole. [5]
En date du 28 mai, l’Agence a ordonné le retrait du marché des 76 produits à base d’époxiconazole. [6]
C’est une substance active antifongique que l’on retrouve dans de nombreux produits phytosanitaires, utilisée majoritairement sur les céréales (blé, orge, seigle…), le soja, les bananes, le riz, le café, les navets et les betteraves rouges ainsi que les betteraves à sucre.
« Prenant en considération le classement de la substance comme reprotoxique de catégorie 1B et cancérogène de catégorie 2, l’étendue de son usage ainsi que l’adoption du règlement européen sur les perturbateurs endocriniens,[…] l’époxiconazole remplit les critères de perturbateur endocrinien pour l’Homme et les organismes non-cibles », relate Dr Genet de l’ANSES.
Vingt-six années se sont écoulées depuis son introduction ; bien d’autres substances sont dans ce cas et ne sont malheureusement pas encore interdites.
En direct du plan national santé environnement 4
La réunion du PNSE 4 sur l’air intérieur vient de se terminer au Ministère de l’écologie. Nous y avons appris des choses très intéressantes concernant l’étiquetage du rejet en COV (composés organiques volatils) des peintures. Vous le verrez, elles affichent quasiment toutes A+, garantissant un rejet limité de ces COV. En fait, aucun contrôle de l’allégation du fabricant n’est réalisé. Pour confirmer cela, l’institut national de la consommation nous a présenté une étude sur 20 peintures d’intérieur à l’eau.
A J3, 3 peintures dépassent 8000 microg/m3 (la norme A+ doit être inférieure à 1000 microg/m3) ;
A J28, 6 peintures (pas forcément les mêmes à 3 jours dépassent nettement la norme de 1000 microg/m3.
Conclusion: Nous recommandons depuis des années d’utiliser ces produits de décoration étiquetés A+ (ainsi que les ministères) pour limiter l’exposition aux COV SANS AUCUNE GARANTIE. Nous avons évidemment exigé que les contrôles soient obligatoires pour éviter ces allégations possiblement mensongères et ce au détriment de la santé.
Avant de clore ces brèves, nous vous rappelons que l’ASEF soutient l’Appel des Coquelicots qui demande l’interdiction de tous les pesticides de synthèse et vous invitons à signer et à diffuser l’appel autour de vous : https://nousvoulonsdescoquelicots.org/l-appel/
Petit point agenda :
Le 17 juin, Pierre Souvet, cardiologue et président de l’ASEF, parlera de tous les plastiques et de leurs dangers lors de la conférence-débat (par vidéoconférence) « Sans plastique, la cantine c’est fantastique » organisée par le collectif « Cantine sans plastique » à Eaubonne.
Le 18 juin, Alain Collomb, médecin généraliste et président de l’ASEP (antenne régionale de l’ASEF), sera présent à la présentation des résultats des études participatives en santé environnement ancrées localement (EPSEAL) à Marseille.
Le 25 juin, Dr Spiroux, médecin environnementaliste et président de l’ASEGO (antenne grand ouest de l’ASEF), sera présent au groupe de travail sur le thème « Informer, communiquer et former les professionnels et les citoyens » dans le cadre du PNSE 4 organisé par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, à Paris.
Le même jour, Gilles Nalbonne, directeur de recherche émérite INSERM et correspondant local du Réseau Environnement Santé, interviendra sur les perturbateurs endocriniens, lors d’une conférence grand public à la Bibliothèque de l’Alcazar, à Marseille, de 9h à 12h.
Nous vous donnons rendez-vous le 27 juin 2019 pour les prochaines brèves,
D’ici là portez-vous bien
Le Club des 10 de l’ASEF
SOURCES
[1]“Semen quality of young men in Switzerland: a nationwide cross‐sectional population‐based study”, Andrology, R. Rahban, L. Priskorn, A. Senn et al., 21 mai 2019 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/andr.12645
[2] “Decline in semen concentration and morphology in a sample of 26 609 men close to general population between 1989 and 2005 in France”, M. Rolland, J. Le Moal, V. Wagner et al., Human Reproduction, Volume 28, Issue 2, February 2013, https://doi.org/10.1093/humrep/des415
[3] “Association between paternal smoking at the time of pregnancy and the semen quality in sons”, Jonatan Axelsson, Sally Sabra, Lars Rylander et al., Plos One, Nobembre 2018, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0207221
[4] “Semen quality trends in French regions are consistent with a global change in environmental exposure”, Joëlle Le Moal, Matthieu Rolland, Sarah Goria et al., Reproduction, Avril 2014, https://doi.org/10.1530/REP-13-0499
[5] https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2018SA0289.pdf