20 août 2021

« Vous reprendrez bien un peu de dopamine ? » par le Dr Richard Faitg

Nous savons que le climat s’emballe,

Nous connaissons les polluants que nous déversons sur la terre,

Nous en connaissons les conséquences, mais avez-vous seulement entendu parler de la girafe ou du kit de survie en vallée de l’Arve et de sa population qui teste quotidiennement les effets d’une pollution sans limite : 500 000 camions par an, 1 site d’incinération qui ne trie pas et brule tout, une usine de carbone même plus aux normes et tout cela dans un fond de vallée ou vivent des milliers de personnes ?

Nous déplorons ces pratiques mais nous nous réjouissons lorsqu’Airbus signe un contrat de 50 M de dollars… (bon ok c’était avant).

Et nous sautons encore de joie à fabriquer des outils, à télécharger par envie ou sur ordre des applications informatiques qui saturent l’atmosphère en CO2 (il y en a des célèbres, des trucs pour bien vous surveiller), et vous les téléchargez quand même !

Nous sommes incapables de tirer les conséquences de nos propres observations et d’engager des actes concrets.

Pourquoi ? Tentons une explication

L’être humain c’est un gros cortex, une arme fatale de domination du vivant qui va fournir au petit striatum, vous savez ce truc qu’on appelle aussi les noyaux gris centraux, et bien le cortex il donne au striatum tout ce qu’il attend.

Et le striatum il est là pour l’essentiel et depuis la nuit des temps, il est indestructible, sans lui pas de survie, vous le trouvez chez la poule ou ce poisson appelé Lamproie. Il est là pour la recherche de nourriture, de partenaires sexuels, d’un statut social, du pouvoir pour limiter ou  réduire ses efforts.

Tout cela active le striatum qui libère de la dopamine car une sensation agréable est atteinte et nos chances de survie augmentent… enfin augmentaient.

Et le système s’active encore, si nous trouvons plus que la dernière fois ; et là il vous en balance des litres de dopamine !

Et ce sont les mêmes motivations que vous soyez les premiers animaux sur terre ou le dirigeant d’entreprise avec son Smartphone.

Devrions-nous renoncer à vivre sans restriction ?

Libre de sillonner la terre en avion, d’acheter de nouvelles voitures, de nouveaux téléphones portables, de faire tourner les serveurs numériques avec le seul prétexte que le futur serait le plus important ?

Habitué à tout avoir instantanément, il faut répondre aux besoins rapides.

Nous favorisons cette sédentarité, vite un plat préparé aux micro-ondes, vite un repas riche… en sucre, les infos c’est trop long à lire, vite Twitter.

Nous avons perdu cette fonction physiologique qui nous fait renoncer.

Quel bel humain en ce 21ieme siècle !

En surpoids

Se déplaçant peu

Travaillant de moins en moins

Se distrayant avec un jeu video sans se lever de son siège

Gaver d’infos sur les écrans

Consommant à outrance de la pornographie virtuelle

Et vérifiant toutes les 10 minutes si l’image qu’il envoie à partir de son Smartphone est avantageuse

Une espèce qui s’obstine à détruire l’environnement naturel dont elle a besoin pour vivre dans la quête de chimères matérialistes et le déni de qu’elle fait n’est-elle pas folle comme le dit Shepard ?

Je suis une femme de 35 ans

-Je ne fume pas je ne bois pas je vis en ville, je n’ai pas de marqueurs génétiques et pourtant j’ai un cancer du sein et je vais peut-être mourir.

-Oui mais on dépiste mieux donc on dépiste plus et puis la population vieillit donc ça fait plus de cancers

-Oui mais j’ai 35 ans et je me suis dépisté seule

-Oui mais les cancers au début on les guérit tous

-Oui mais je peux faire une complication pendant la chirurgie ou avec le traitement, et mourir !

-J’ai 35 ans, pourquoi moi ?

-Et puis je viens d’entendre à la radio une étude française qui dit encore plus de cancer du sein avec la pollution de l’air !

-Oui mais ça fait longtemps que d’autres études dans d’autres pays disent la même chose.

Et le président de l’ASEF, sui répète depuis des années que « pas de diesel en ville comme a Tokyo, c’est moins de pathologie respiratoire ou cardiaque, pas un médoc ne fait aussi bien »!

Peut-être pourrais-je aussi évoquer avec vous, la fréquence des cancers du sein qui augmente lorsque je travaille sur un ordinateur portable en wifi ?

Ou bien encore une diminution de la fréquence des cancers du sein lorsque ma consommation de nourriture saine dépasse 50%, on pourrait plutôt dire une nourriture sans pesticides.

Et puis on va mixer tout cela, évoquer les effets cocktails, pas celui que vous buvez après un long voyage en avion…mais ce cocktail, ces doses pas finalement toujours très élevées, ces normes qui protègent les entreprises et cette stratégie du doute que savent si bien employer les pollueurs.

« Dis docteur pourquoi moi ? »

« Dis docteur qu’as-tu fais toutes ces années ? »

Comment en est-on arrivé là ?

Est-ce que je vais croire que parler du climat modifie le climat ?

Les matières toxiques qui empoisonnent l’air et la nourriture sont souvent imperceptibles. Les changements climatiques, la destruction de la couche d’ozone, l’érosion des sols ou la disparition des espèces sont des réalités lointaines et statistiques, difficile à prévoir au quotidien et notre responsabilité s’en trouve diluée.

L’être humain craint cette affliction qui le dépasse et résiste aux sentiments désagréables :

La peur face à ce qui met en péril la vie sur terre

La colère de devoir subir ces menaces et cette angoisse

La culpabilité de voir sa responsabilité engagée

La tristesse devant les souffrances de l’humanité et l’avenir incertain des générations futures

L’impuissance devant des problèmes si vastes et complexes.

D’où une imperméabilité à l’information et Nick Totton psychothérapeute, en 2011, dans « wild therapy » le confirme: « si les gens se sentent menacés par des dangers, redoubler nos efforts pour les diffuser ne pourra être que contre-productif ».

 

Rappelons qu’au carrefour de l’évolution, Joanna Macy, écophilosophe, montre qu’il y a 3 réactions possibles ou 3 histoires pour donner un sens à ce qui nous arrive:

 

-La première est la poursuite de la marche ordinaire des affaires (business as usual) dans la croyance qu’il n’y a pas de réelle alternative, que la situation n’est pas si grave et que l’être humain trouvera des solutions, notamment avec son génie technologique et bien sûr  la numérisation de la société.

 

La deuxième est la « grande désagrégation » (Great untraveling) qui manifeste les impasses et les effondrements auxquels le business as usual nous conduit inéluctablement au grand dam de la planète et des générations futures. C’est le scénario de la lucidité : nous prenons passivement conscience des désastres écologiques, climatiques et sociaux auquel le premier scenario nous conduit, avec souvent le découragement et l’impuissance en prime.

 

Le troisième est le changement de cap ou de paradigme, à travers l’engagement pour la transition d’une économie de croissance destructrice vers une société qui soutient la vie. Le « changement de cap » (Great turning), c’est le scénario de l’espérance, l’« aventure essentielle » du temps présent, déjà en cours, qui refuse que le deuxième scénario ait le dernier mot. Nous nous engageons au plan collectif et personnel pour la transition d’une société de croissance autodestructrice vers une société qui soutient la vie, orientée vers un bonheur reposant plus sur les liens que sur les biens. L’enjeu est de retrouver une harmonie entre l’espèce humaine et la biosphère, afin de garantir un mode de vie qui ne détruise pas les écosystèmes dont il dépend.

 

Comment lutter et échapper aux injonctions du striatum ?

 

-C’est tenter de contrer les impulsions profondes de notre système de récompense ; c’est la volonté qui se dresse contre la tentation. Au moyen âge ils ont même essayé de lutter contre les renforceurs primaires : les péchés capitaux ; ça ne marche pas sur le long terme.

 

-Une autre option pourrait être de détourner l’énergie du striatum : fabriquer de la dopamine en conscience.

Faites l’expérience : lorsque l’on donne une somme d’argent aux hommes et aux femmes, le striatum de la femme s’active plus au moment du partage.

Pendant l’éducation

Les filles + conciliantes, + généreuses

Les garçons conquérants, indépendants combatifs

Et la société fait de même !

La femme n’aurait-elle pas un rôle central pour notre avenir ?

Comment le traduire ?

Valoriser socialement les comportements :

Altruisme

Modération

Respect de l’environnement

C’est encore « le travail qui relie » de Joanna Macy, une méthodologie de transformation personnelle et collective

S’enraciner dans la gratitude

Honorer sa peine pour le monde

Changer de perception

Aller de l’avant

Acquérir une vision inspirante

Oser croire que c’est possible

Construire des appuis autour de nous

Puiser son pouvoir dans la toile de la vie

Entretenir les énergies renouvelables : inspiration et enthousiasme

 

Et nous les citoyens professionnels de santé que devons-nous faire pour Fabriquer et distribuer cette Dopamine ?

 

Le poète, Holderlin écrit: là ou croit le péril,  croit aussi ce qui sauve.

-Serge Morand dans le livre qu’il a coécrit avec Marie Monique Robin (la fabrique des pandémies) reconnait que les travaux de recherche ne suffisent plus, le monde scientifique doit s’engager au-delà de ses travaux et de ses publications scientifiques.

-Dans une lettre ouverte en 2019, des universitaires et citoyens Suisses, dont le Prix Nobel Jacques Dubochet et Dominique Bourg, apportent leur soutien au mouvement de désobéissance civile et à la demande de XR de déclarer un état d’urgence climatique et environnementale et d’établir une assemblée citoyenne pour travailler avec les scientifiques pour développer un plan crédible et juste pour une dé carbonisation totale de nos sociétés et une préservation des écosystèmes.

Oserai-je vous proposer plus qu’une prise de conscience ? Un engagement que cette femme et son cancer du sein nous réclament, que ces enfants exposés aux pathologies environnementales et qui développent des cancers attendent.

« Nous ne pouvons plus fermer les yeux et taire les vices d’un système qui détruit la planète, les peuples, la dignité humaine, notre santé pour assouvir la voracité d’industries devenues criminelles ».

 Ces connaissances, ces savoirs d’expérience, doivent être mobilisés au service de la prévention, du maintien, et du rétablissement de la santé. L’heure est venue de créer des passerelles entre cette approche holistique du monde, et notre médecine occidentale.

Nous ne rentrerons pas chez nous après cette journée, indifférents à notre monde. Osez croire que c’est possible. C’est ce que font tous les jours les membres du collectif air pur de la vallée de l’Arve. Par leurs mobilisations, leurs engagements, leur ténacité et les compétences acquises au fil du temps il nous montre ce chemin.

Richard Faitg, médecin anesthésiste, membre du collectif CES 74 et de l’ASEF.

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