Notre enquête sur le "bien-être"
L’Organisation Mondiale de la Santé définit la santé comme «un état de complet bien-être physique, mental et social». Les médecins de l’ASEF ont voulu savoir quels étaient les critères déterminants pour se sentir bien et a donc décidé de descendre dans les rues d’Aix-en-Provence pour s’en rendre compte concrètement.
Le protocole
Afin de définir plus précisément à quoi était lié notre bien-être et donc notre santé, l’ASEF est descendue dans les rues d’Aix-en-Provence pour soumettre 1 000 habitants à son questionnaire. Composé de 20 questions, le questionnaire portait sur l’état de santé global, l’anxiété, le lien social et l’argent. « Nous avons voulu faire cette étude pour comprendre quels étaient les ressorts du bien-être afin d’agir plus efficacement en prévention, afin d’améliorer le quotidien de nos patients» explique le Dr Patrice Halimi, Chirurgien-Pédiatre à Aix-en-Provence et Secrétaire Général de l’ASEF. Vous trouverez le détail du panel de sondés dans le fichier à télécharger en bas de l’article.
Les résultats
Comme l’étude menée en Grande-Bretagne en 2005 par l’Institut GFK NOP, les résultats globaux montrent que les gens, toutes catégories sociales confondues, n’associent pas particulièrement bien-être et argent. Augmenter notre pouvoir d’achat ne nous rendrait donc pas forcément plus heureux. Dans le cas aixois, on observe quatre grandes tendances. D’abord, les gens sont très sensibles à leur cadre de vie, ils en font un des éléments constituants du bien-être. Un tiers des personnes interrogées vivant dans les quartiers les plus défavorisés de la ville déclarent ainsi que pour se sentir mieux, il faudrait en priorité qu’elles aient un cadre de vie plus agréable.
A Encagnane / Jas de Bouffan, un tiers des personnes interrogées aimerait avoir un cadre de vie plus agréable pour se sentir mieux.
Deuxième point soulevé : l’impact de la pollution – avec trois quarts des Aixois qui affirment être gênés par celle-ci. On connaissait depuis longtemps les effets « objectifs » de la pollution de l’air sur la santé, mais pas les « subjectifs »….
Enfin, le bruit et la perte de temps– notamment dans les embouteillages, sont décrits par les Aixois comme les principales sources de nuisances…
Le bruit et les embouteillages arrivent en tête des nuisances les plus pénibles au quotidien. Un Aixois sur deux s’en plaint.
Les tendances
Cette étude nous a permis de mesurer de façon locale et concrète quelles étaient les attentes des personnes interrogées. Au fil des questions, nous avons pu dégager quatre tendances fortes dans la constitution ou la dégradation du bien-être des Aixoises et des Aixois.
Le cadre de vie: urbanisme et santé ?
Au fil des questions, nous avons pu observer que la question du cadre de vie revenait de façon récurrente et ce, surtout dans les quartiers les plus populaires… En effet, un tiers des personnes interrogées vivant dans les quartiers d’Encagnane et du Jas de Bouffan déclarent que pour se sentir mieux il faudrait en priorité qu’elles aient un cadre de vie plus agréable et que si elles étaient augmentées, elles changeraient de quartier.
Autre élément lié au cadre de vie et pouvant nuire à notre bien-être: le manque d’espaces verts en ville. En effet, le sondage nous montre qu’un Aixois sur cinq, s’il avait plus de temps, aimerait se consacrer à des activités de plein air ou de jardinage, et que 9 Aixois sur 10 se sentent apaisés dans un espace vert !
De nombreuses études scientifiques ont montré le lien entre urbanisme, espace vert et santé. En 2009, une étude hollandaise a démontré que les personnes vivant à proximité d’espaces verts avaient moins de risque de dépression, d’anxiété, de stress et de maladies respiratoires. Une équipe de chercheurs de Bilthoven a comparé les données de 350 000 dossiers médicaux en tenant compte du lieu d’habitat de leurs propriétaires. Les principaux résultats montrent que jardins et espaces verts ont un impact positif marqué contre la dépression et l’anxiété (réduction du stress et des troubles de l’attention), que l’amélioration de la qualité de l’air induite par les parcs, et la possibilité d’y pratiquer des exercices physiques, réduisent la fréquence des maladies respiratoires chez les riverains et enfin que les enfants de moins de 12 ans et les personnes à faible revenu, qui passent plus de temps dans les environs de leur domicile, sont plus particulièrement sensibles à ces bienfaits. Toitures végétalisées, parcs et jardins, paysagisme d’intérieur… tous ces aménagements contribueraient à préserver la nature en ville et donc à prévenir le stress et les maladies (1) .
Autre étude montrant l’importance du végétal pour la santé humaine : l’étude Ulrich. Dans les années 80, cette étude américaine a montré que des patients hospitalisés qui jouissaient de la lumière naturelle et d’une vue directe sur des arbres à l’extérieur bénéficiaient d’un temps d’hospitalisation postopératoire plus court, créaient moins de tension avec le personnel et présentaient moins de complications mineures à traiter (maux de tête, nausées, etc.) que les groupes-témoins qui n’avaient pour leur part qu’une vue sur un mur voisin (2).
Enfin récemment, des géographes se sont interrogés sur le mal-être chez les individus habitant en ville. Nicole Mathieu, chercheuse au CNRS, fait clairement le lien entre le bien-être et le lieu où l’on réside. Selon leur recherche, aujourd’hui, les individus voient davantage les inconvénients de la ville et l’on remarque une confrontation entre la représentation de la vie en ville (négative) et la représentation de celle à la campagne (positive). La mise en place du durable et du vert au sein de la ville serait un moyen d’apporter davantage de bien-être à la population (3).
La qualité de l’air: pollution de l’air et santé ?
A la question « Diriez-vous que la pollution de l’air nuit à votre bien-être? », trois quarts des Aixoises et Aixois ont répondu oui ! On sait depuis longtemps que la pollution de l’air nuit à la santé de chacun de nous, mais on parlait souvent d’une nuisance insidieuse qu’on avait du mal à percevoir…. Aujourd’hui, ce chiffre nous montre que cette pollution est ressentie par la majorité d’entre nous comme une nuisance et qu’elle impacte notre sentiment bien-être.
L’impact de la pollution de l’air sur la santé n’est plus à démontrer… Les études scientifiques sur le sujet sont nombreuses. Notons tout de même l’étude ISAAC, publiée en 2007 et réalisée dans six villes françaises sur près de 8 000 enfants. Celle-ci a permis pour la première fois en France de démontrer l’effet de la pollution atmosphérique sur le développement de l’asthme et des allergies. Les résultats montrent une augmentation significative de ces pathologies même dans les zones où les niveaux de pollution atmosphérique sont proches des moyennes maximales recommandées par l’OMS ! Les enfants résidant depuis huit ans dans des zones à pollutions élevées ont 3 fois plus d’eczéma, 1.5 fois plus d’asthme et presque 2 fois plus d’asthme à l’effort ! L’équipe a noté qu’on observait des effets nocifs à des valeurs voisines (12 μg/m3) du seuil limite recommandé par l’OMS (10 μg/m3) !
Plus récemment encore, l’étude APHEKOM, publié par l’Institut de Veille Sanitaire, a montré l’importance de l’impact sanitaire de la pollution de l’air. Menée dans 12 pays européens, celle-ci démontre que la diminution des particules fines dans l’air de nos villes permettrait d’augmenter notre espérance de vie. A Marseille, si on respectait l’objectif de qualité de l’OMS (10μg/m3), l’espérance de vie aurait augmenté de 8 mois. Dépasser ces recommandations entraîne également une augmentation des pathologies chroniques : asthme chez l’enfant ou maladies cardiovasculaires chez les plus de 65 ans (4).
Une étude sortie en avril 2011 a même montré que la pollution automobile pouvait générer des dépressions chez l’enfant. En effet, les chercheurs ont suivi 215 enfants vivant à New York de la naissance à l’âge de 8 ans. Ils ont mesuré les HAP présents dans le cordon ombilical de leurs mères toutes non-fumeuses et toutes d’origine afro américaine ou dominicaine. Les résultats montrent clairement que ceux qui ont été le plus exposés aux HAP durant la grossesse de leur mère sont aussi ceux qui ont le plus de problèmes d’anxiété et de dépression à l’âge de 5 ans ! Ils ont également plus de troubles de l’attention – qui peuvent être à l’origine de déficits cognitifs.
Enfin en mars dernier, l’ASEF a réalisé son étude « Poussette ». L’objectif de cette étude était de « faire une photo » permettant d’observer ce que respire un bébé à un instant « t » lorsqu’il est promené dans la rue à Aix-en-Provence. Résultats ? Peu importe le lieu et le niveau de vie, tout le monde a droit à son lot de microparticules! Gare routière, arrivée de l’autoroute où se trouve un célèbre fast-food, zone de travaux dans les rues du centre-ville, marché du Cours Mirabeau, fête foraine, collèges, etc. les taux relevés sont de 2 à 6 fois plus élevés que l’objectif de qualité de l’OMS !
Le bruit et la santé!
A la question, « qu’est-ce qui vous énerve le plus au quotidien », 31 % des Aixois ont répondu le bruit ! Quant aux habitants des quartiers d’Encagnane et du Jas de Bouffan, ils sont 50% à avoir choisi cette réponse ! Des nuisances sonores qui posent des problèmes de sommeil. Un Aixois sur cinq prend des médicaments pour dormir – les deux tiers d’entre eux utilisant des traitements forts (antidépresseurs, somnifères).
Selon l’OMS, « le bruit constitue un facteur environnemental de stress susceptible de provoquer des effets cardiovasculaires permanents, tels que l’hypertension et l’ischémie cardiaque, chez des individus sensibles exposés de façon prolongée à des niveaux élevés de nuisance sonore ».
Une étude Suédoise de 2009 réalisée sur 1953 sujets a montré que le bruit du trafic routier la nuit augmentait le risque d’hypertension. En effet, la prévalence et l’incidence de l’hypertension ont été examinées dans une commune suédoise partiellement affectée par le bruit d’une route très fréquentée (20 000 véhicules/24 h) et du chemin de fer (200 trains/24 h). Cette étude montre une association positive entre le bruit du trafic routier et l’hypertension chez les hommes, ainsi qu’une relation exposition-réponse(5).
Le bruit a également un impact important sur le sommeil, et donc sur le bien-être et la qualité de vie. Fatigue chronique excessive, somnolence, réduction de la motivation de travail, baisse des performances conduisant souvent à un sentiment de frustration et à des conflits avec les autres travailleurs, voici quelques-uns des effets de la privation de sommeil. Pour des travailleurs qui ont besoin de maintenir un très haut niveau de vigilance, l’anxiété liée à la privation chronique de sommeil peut être particulièrement marquée car ils savent que cette dernière affecte leurs possibilités de concentration sur leurs tâches et entraîne des baisses momentanées de l’attention. Cet état anxieux peut également se traduire par une augmentation des erreurs et générer des plaintes médicales. Des études ont montré les effets de l’exposition au bruit sur la santé, tant dans la surconsommation médicamenteuse que dans l’augmentation des admissions dans les centres de soins psychiatriques (6).
La perte de temps
Plus d’un Aixois sur trois affirme que pour se sentir mieux il faudrait qu’il ait en priorité plus de temps ! Et ce temps, ils sont plus de la moitié à affirmer que s’ils en avaient plus, ils le consacreraient à leur famille et à leur amis ! Un temps précieux et pourtant perdu quotidiennement dans les embouteillages – un quart des Aixois affirmant que c’est ce qui les énervent le plus au quotidien !
Perte de temps et santé ? L’allongement de l’espérance de vie et la diminution du temps de travail nous ont rendus maîtres de notre temps libre. Il est donc devenu intolérable qu’on nous le vole … Comme le souligne le sociologue Jean Viard, « l’apport fondamental des 35 heures est de rendre les gens davantage maîtres de l’organisation et des usages de leur temps de non-travail ». Le temps devient un bien de plus en plus rare subjectivement, même quand tout démontre qu’objectivement nous disposons de plus de disponibilités. En effet, en moins d’un siècle, le temps libre a été multiplié par quatre, passant de 100 000 à 400 000 heures ! (7)
Aujourd’hui, passer du temps dans les bouchons est vécu comme une agression, comme un vol imposé par la collectivité à l’individu. En effet, même si, on l’a vu on dispose de plus de temps, on veut être libre d’en faire ce que l’on veut et on supporte mal que notre temps libre soit « perdu » dans les bouchons alors qu’on pourrait le passer à s’occuper de ses enfants, à faire du sport ou à cuisiner. Ce temps « perdu » suppose un accroissement du sentiment de frustration, et peut augmenter le niveau de stress. Selon la définition utilisée par la médecine du travail « Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. (…) Le stress affecte également la santé physique, le bien-être et la productivité de la personne qui y est soumise»….
Pour conclure…. Le politique peut-il nous rendre heureux
Notre enquête a révélé que 70% des gens avaient répondu qu’ils étaient d’accord sur le fait que le premier objectif d’un gouvernement devait être d’arriver à rendre son peuple le plus heureux possible et non le plus riche possible. Un score qui révèle que le bien-être n’est pas une simple affaire individuelle et qu’il est possible de faire quelque chose ensemble pour vivre mieux…
Cette étude nous a permis de nous rendre compte que le bien-être est à la fois basé sur des éléments personnels (la façon dont on se sent dans son corps…) mais aussi sur des critères relevant de la vie en collectivité, du bien commun. Bruit, pollution, espace vert, embouteillages, toutes ces nuisances relèvent de notre vivre ensemble. Une ville peut donc par les politiques publiques qu’elle décide de mettre en place améliorer considérablement le bien-être de ses citoyens !
En effet, lorsque les Aixoises et les Aixois lient leur bien-être (ou leur mal être) au cadre de vie, à la pollution de l’air, au bruit et aux embouteillages chronophages, ils posent le problème d’un service de transports en commun de qualité…. Le noeud des problèmes aixois réside dans la mobilité, qui est bien un enjeu collectif et non individuel !
« Compte tenu de ces résultats, nous avons pris la décision de réaliser dans les mois qui viennent des entretiens avec 100 Aixois pour leur demander quels transports en commun ils souhaiteraient…pour se sentir mieux ! L’objectif étant de travailler ensemble de façon locale et concrète sur les perspectives possibles pour mettre en place des transports respectueux de la santé et du bien-être de chacun » déclare le Dr Patrice Halimi, Secrétaire général de l’ASEF.
Références bibliographiques
- (1) Source : Maas J. Morbidity is related to a green living environment. J Epidemiol Community Health. Published Online First: 15 October 2009. doi:10.1136/jech.2008.07903
- (2) Source : Ulrich R.S.. View through a window may influence recovery from surgery, 1984, Science, 224(4647):420-421
- (3) Source : N. Mathieu, D. Martouzet, Y. Guermond, « Pour de nouvelles approches vers des villes durables », NSS Dialogues, EDP Sciences 2010
- (4) Source : APHEKOM (Improving Knowledge and Communication on Air Pollution and Health in Europe), coordonnée par Institut de veille sanitaire, 2 mars 2011
- (5) Source: Barregard L, Bonde E, Ohrström E. Risk of hypertension from exposure to road traffic noise in a population-based sample. Occup Environ Med. 2009 Jun;66(6):410-5. Epub 2009 Feb 2
- (6)Source: Muzet A. [The effects of noise on sleep and their possible repercussions on health]. Med Sci (Paris). 2006 Nov;22(11):973-7. Review. French
- (7) Source : Éloge de la mobilité – Essai sur le capital temps libre et la valeur travail Jean Viard, Paris, Éditions de l’Aube, mai 2006, 205 p.
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