13 juillet 2017

L'air intérieur : la menace fantôme - la synthèse de l'ASEF

On entend souvent parler de pollution atmosphérique et environnementale, et en voyant le halo de pollution au-dessus des grandes villes on soupire parfois d’aise en rentrant chez soi… Et pourtant, l’intérieur de nos maisons peut être encore plus pollué que l’air extérieur. Multiplication des sources d’émission, manque d’aération, les explications sont nombreuses. Mais cette pollution est loin d’être sans conséquence pour notre santé. En France, elle serait à l’origine de 20 000 décès et coûterait près de 19 milliards d’Euros par an. D’où l’importance d’être vigilant même chez soi. Mais comment faire ?

Zoom sur les polluants cachés de notre maison et les solutions pour s’en préserver.

Les principaux polluants retrouvés et les conséquences pour notre santé

Le tabac

Tout le monde connaît aujourd’hui la dangerosité du tabac pour la santé. Et pourtant, c’est encore le polluant le plus présent dans les logements. Rappelons que la fumée de cigarette contient 4000 substances dont de nombreuses sont cancérogènes. Une fois allumée, la cigarette devient une véritable usine chimique. Sa combustion provoque la formation de très nombreuses substances toxiques, dont des goudrons, des gaz (monoxyde de carbone, oxyde d’azote, acide cyanhydrique, ammoniac…) et des métaux (cadmium, mercure, plomb, chrome…). Selon l’OMS, le tabagisme passif tue 6 millions de personnes dans le monde chaque année, dont 600 000 sont des non-fumeurs et subissent une exposition. La consommation de tabac peut entraîner des maladies cardiovasculaires, de nombreux cancers, des pathologies respiratoires et digestives, et de nombreux troubles en cas d’exposition in utero.

Quelques gestes simples

Lorsqu’on fume à l’intérieur, les composés de la fumée de cigarette sont absorbés par les tissus comme les rideaux ou les coussins, et continuent à être diffusés dans l’atmosphère. Notons que fumer la fenêtre ouverte n’empêche pas l’adsorption des composants de la cigarette sur les tissus ou les murs. Egalement, les systèmes de ventilation ne sont pas efficaces pour extraire les gaz et les matières particulaires. Alors si vraiment on ne peut pas se passer de la cigarette, il faut au maximum essayer de fumer à l’extérieur.

Encadré : et la e-cigarette alors ?

On estime à 3 millions le nombre de Français utilisateurs de la cigarette électronique, dont 1,5 million  qui l’utilisent quotidiennement (que ce soit en combinaison avec la cigarette classique ou en remplacement).

L’exposition à la e-cigarette pourrait être liée à l’apparition de détresses respiratoires comme des pneumopathies lipidiques du poumon, et surtout au développement d’allergies respiratoires. Certaines études ont en effet montré que l’utilisation de la cigarette électronique peut provoquer des modifications de l’immunité locale ainsi qu’une colonisation des voies aériennes par une bactérie, le staphylocoque doré ; cette colonisation est connue comme étant un facteur de risque pour l’apparition d’allergies respiratoires.

Les liquides pour cigarettes électroniques contiennent principalement du propylène glycol et de la glycérine végétale, mais également de l’eau et des additifs/arômes. Ce sont surtout ces derniers qui sont mis en cause dans l’apparition de symptômes. Les additifs alimentaires utilisés ne sont pas toujours sans risque en cas d’inhalation ! Par exemple, le diacéthyle est utilisé pour donner un goût de beurre au pop-corn, peut être dangereux lorsqu’il est inhalé. Un chauffage trop important des liquides lors de l’utilisation de la cigarette électronique peut également entraîner l’apparition de composés toxiques. Une étude récente a d’ailleurs retrouvé plusieurs composés dans l’aérosol : des particules fines et des nanoparticules, des carbonyles (utilisés dans les solvants), de l’acétaldéhyde connu pour être génotoxique et carcinogène et des composés organiques volatils comme le benzène et le toluène [1]. 

Rappelons toutefois qu’à ce jour, la cigarette électronique contient beaucoup moins de substances chimiques en comparaison avec la cigarette classique, ce qui suggère une toxicité bien moindre. C’est en outre un outil qui semble très intéressant pour le sevrage tabagique de certains consommateurs. Mais si le maintien du geste peut en aider certains, il faut garder à l’esprit que c’est la nicotine contenue dans le liquide qui permet ce sevrage. Or certains utilisateurs dépendants à la nicotine ne mettent pas assez de cette substance dans le liquide, ce qui peut rendre inefficaces leurs efforts pour arrêter de fumer. Ils ont également tendance à inhaler fortement l’aérosol pour compenser ce manque, ce qui entraîne une irritation au niveau de l’oropharynx due notamment au propylène glycol.

Gardons cependant à l’esprit que l’intérêt de la e-cigarette est le sevrage tabagique, et qu’il convient donc de diminuer progressivement les doses de nicotine.

Le chauffage

Les appareils de chauffage (chaudières, chauffe-eau, poêles, cuisinières, cheminées…) peuvent émettre des gaz toxiques pour notre santé en cas de combustion incomplète par manque d’oxygène. Le principal gaz formé est le monoxyde de carbone (CO). Incolore et inodore, il prend la place de l’oxygène dans l’hémoglobine lorsqu’il est inhalé, provoquant ainsi une hypoxie. Le diagnostic d’une intoxication aiguë au CO n’est pas toujours évident, les symptômes étant peu spécifiques (syndrome grippal, fatigue, symptômes gastro-intestinaux, maux de tête). Certaines manifestations neurologiques graves peuvent se manifester plusieurs semaines après une intoxication aiguë (troubles neurologiques, cécité) et conduire au décès. A long terme, une exposition chronique constitue un risque pour les personnes atteintes de cardiopathie coronarienne et pour les femmes enceintes.

Les mesures simples à respecter

Pour éviter d’en arriver là, avant l’hiver, faites contrôler vos appareils de chauffage et de production d’eau chaude à combustion et faites ramoner votre cheminée par un professionnel qualifié. Pour les chauffages d’appoint, ne les utilisez jamais de façon prolongée. Enfin, aérez quotidiennement votre habitation pendant au moins 10 minutes, même par temps froid et n’obstruez pas les entrées et sorties d’air. Et n’oubliez pas qu’aujourd’hui, si les détecteurs de fumée sont obligatoires dans les logements, il existe également des détecteurs efficaces pour le monoxyde de carbone.

Les produits ménagers

Les produits ménagers sont une source très importante de polluants de l’air intérieur. Les effets sur la santé peuvent aller d’une simple irritation à certains cancers. En effet, les produits ménagers peuvent émettre des COV dont du formaldéhyde, un gaz classé cancérigène avéré par le CIRC pour les cancers du nasopharynx.

Une étude britannique a notamment montré que les professionnels du nettoyage avaient un risque d’asthme augmenté de 1,67 fois [2]. D’autres travaux ont également montré que les femmes utilisant le plus de produits d’entretien avaient deux fois plus de risque de développer un cancer du sein [3].

Les fœtus sont également à risque lors d’une exposition in utero. Une étude menée à l’INSERM a montré que le risque de malformations congénitales est 2,5 fois supérieure si la mère est exposée de façon régulière aux solvants dans son environnement professionnel [4].

Encadré : l’eau de javel

Détachante, blanchissante, désodorisante et désinfectante, l’eau de Javel est pourtant un produit loin d’être anodin ! En plus d’être toxique pour l’environnement, notamment pour les organismes aquatiques, c’est un produit irritant et corrosif pour la peau, les yeux, les voies respiratoires et digestives.  De plus, mélangée avec de l’acide, que l’on retrouve dans certains produits ménagers, l’eau de Javel produit du dichlore (Cl2), un gaz très toxique provoquant des toux, des vertiges, des nausées, des difficultés respiratoires et de fortes irritations. Il est donc primordial d’éviter tout mélange avec d’autres produits, voire même de la bannir de vos placards.

N’oubliez pas non plus que les enfants qui marchent à quatre pattes ne sont pas exposés de la même façon qu’un adulte ! Enfin si vous avez des animaux, la plupart sont très attirés par l’eau de javel et peuvent s’intoxiquer gravement.

Quelques gestes simples

On ne peut bien sûr pas arrêter de faire le ménage ! Pour une maison propre et saine, privilégiez les produits portant un écolabel, par exemple le label NF environnement ou l’Ecolabel européen. Ils contiennent moins de substances néfastes pour la santé et l’environnement, tout en étant aussi efficaces que les produits classiques. Il existe également de nombreuses alternatives plus naturelles très efficaces et non toxiques, comme le vinaigre blanc, le bicarbonate de soude ou le savon noir.

Les peintures, matériaux et meubles

Les produits de bricolage (peintures, colles, solvants, vernis, vitrifiants, décapants, diluants, laques…) et plusieurs matériaux de construction, ainsi que les meubles, peuvent dégager des COV, du formaldéhyde ou des métaux lourds.

Le formaldéhyde est l’un des polluants les plus répandus de l’air intérieur ; en effet, 10% des logements sont «multipollués» en France et 4% présenteraient des concentrations de formaldéhyde supérieures à la valeur guide proposée par l’AFSSET (voir tableau en fin d’article). La concentration de formaldéhyde peut d’ailleurs être plus élevée dans l’air intérieur que dans l’air extérieur. Certains relevés dans des écoles ont également montré des résultats d’émission de formaldéhyde deux fois plus élevés que les valeurs cibles (mesures d’air PACA 2010-2011).

Chez les mammifères, le formaldéhyde est rapidement dégradé mais les substances formées par cette dégradation sont particulièrement toxiques. Les organes cibles sont majoritairement les yeux, les muqueuses (nez, gorge), les poumons et la peau. Le formaldéhyde est irritant, reprotoxique (avortements spontanés, endométriose, malformations congénitales, retards de croissance), génotoxique et cancérogène (le CIRC l’a classé cancérogène certain) ; il est notamment cancérogène pour les cancers du nasopharynx [5]. Il a également été fortement suggéré comme responsable de leucémies [6]. Enfin, c’est un composé également impliqué dans l’asthme.

Quelques gestes simples

Là encore, les écolabels sont une bonne alternative. On peut retrouver les labels NF environnement et l’écolabel européen sur de nombreux produits de bricolage, qui seront aussi efficaces que les produits traditionnels. Pour les peintures, les peintures à l’huile et glycéro peuvent être très toxiques ; si cela est possible, choisissez des peintures à base d’eau.

Lorsque vous faites des travaux, il est indispensable d’aérer chaque jour pour éviter que les polluants restent et saturent l’atmosphère. Refermez bien vos bidons de produits chimiques et stockez-les dans un endroit sec et ventilé, préférentiellement loin des pièces de vie.

Encadré : zoom sur les lits-bébés – l’étude de l’ASEF

Nous avons mené une étude avec l’aide du laboratoire d’analyse de l’air TERA Environnement. Les taux de formaldéhyde émis par quatre lits différents ont été mesurés. Ces lits ont été achetés dans des magasins de grande distribution, allant de moins de 50 Euros à plus de 200 Euros. Ils étaient en bois massif ou en aggloméré.

Lors de cette enquête, l’AFSSET avait fixé une limite de 10µg/m3 pour une exposition sur le long terme. Si l’on compare les résultats aux valeurs guide de référence édictées par les autorités de contrôle sanitaires françaises, les taux émis par les lits représentent déjà plus d’un quart de la valeur toxique de référence – sans prendre en compte le reste des meubles et peintures polluant l’air de la chambre. Et n’oublions pas que le bébé est en contact avec ce meuble la quasi-totalité de la journée !

 «En menant cette étude, notre objectif n’était pas d’être exhaustif mais de montrer que dès la naissance nous sommes plongés dans un bain chimique. En tant que médecins, nous voulions prévenir et sensibiliser au maximum à la protection des plus sensibles. Aussi, il nous semble absurde d’exposer les nourrissons à cette pollution alors que nous pourrions l’éviter » déclare le Dr Pierre Souvet, Président de l’ASEF.

Le Dr Patrice Halimi, Secrétaire Général de l’ASEF souligne «Avec cette étude, nous espérons inciter les entreprises à mettre sur le marché des produits moins polluants mais aussi inciter les décideurs politiques à rendre obligatoire l’étiquetage des matériaux d’ameublement afin que le consommateur puisse réellement choisir. En attendant, nous conseillons aux parents de mettre le lit à « dégazer » dans le garage quelques mois avant l’arrivée de bébé… L’objectif étant que demain nous ne regrettions pas nos actes d’aujourd’hui ».

L’amiante

L’amiante est un terme qui regroupe plusieurs matériaux minéraux à texture fibreuse ; on parle notamment d’amiante bleu ou crocidolite (amphiboles) et d’amiante blanc ou chrysotile (serpentines). Il a été fortement utilisé dans l’industrie grâce à sa résistance à la chaleur, au feu, à la tension et aux produits chimiques. On a ainsi pu le trouver dans du ciment, des colles, des peintures, du plâtre, du béton ou dans diverses installations électriques.

Cependant, ce matériau est avéré toxique depuis plusieurs décennies. L’inhalation de fibres d’amiante est à l’origine de pathologies respiratoires telles que la fibrose pulmonaire ou le cancer. Les principales personnes touchées sont les personnes exposées professionnellement mais il existe également une forte exposition environnementale, notamment au sein des bâtiments. En France, l’amiante a été interdit en 1997 mais reste encore présent dans de nombreux bâtiments et équipements. En 2010, selon l’INRS «les maladies liées à l’amiante représentent la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (hors accidents du travail)». En 2009, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a également considéré que l’exposition à l’amiante pouvait provoquer des cancers du larynx et de l’ovaire [7]. Ces pathologies ont la particularité de pouvoir survenir plus de 20 à 40 ans après l’exposition. On estime qu’en France, entre 1 800 et 4 000 nouveaux cas de cancers broncho-pulmonaires par an, sont attribuables à l’amiante. L’INSERM a évalué entre 50 000 et 100 000 le nombre de décès en France liés à l’amiante sur la période 1995-2025. Les maladies liées à l’amiante représentent aujourd’hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (hors accidents du travail).

Si votre logement contient de l’amiante, que faut-il faire

Même s’il est aujourd’hui interdit en France, l’amiante peut donc rester présent dans de nombreux bâtiments et équipements : dans les couvertures « fibrociments » (plaques et ardoises), les canalisations, les faux-plafonds, les colles de carrelages, les enduits, les peintures, les dalles vinyle, les plâtres, etc. Néanmoins seuls les bâtiments construits avant le 1er juillet 1997 peuvent en contenir. Si vous venez d’acheter ou de louer, un diagnostic amiante a dû vous être délivré. Si l’amiante est bien encapsulé derrière une paroi, il n’y a pas de risque. En revanche, en cas de dégradation, il vaut mieux envisager des travaux. Pour votre santé et celle de vos proches, ne faites pas les travaux vous-même, mais faites appel à un professionnel du bâtiment. Informez-les de la présence d’amiante sur ou à proximité de la zone concernée. Assurez-vous également qu’ils aient une attestation de compétence amiante. C’est la garantie qu’ils sécuriseront leur intervention, avec du matériel spécifique, pour vous protéger pendant et après les travaux.

Les retardateurs de flamme

Les retardateurs de flamme sont issus de la pétrochimie et sont le plus souvent à base de brome. Comme leur nom l’indique, ils sont utilisés pour diminuer la caractéristique inflammable des matériaux. Leur utilisation a beaucoup augmenté à la fin des années 1970 lorsque les PCB précédemment utilisés ont été interdits en France à cause de leur importante toxicité humaine et environnementale.

Ces retardateurs de flamme sont faciles d’emploi et massivement utilisés dans l’industrie du plastique. On les retrouve notamment dans de très nombreux objets du quotidien : meubles, coussins, ordinateurs, jouets… Leur utilisation dans les compositions n’est pas mentionnée sur les étiquettes des produits.

Cependant, ils sont très persistants dans l’environnement ; leur capacité de dissémination est d’ailleurs largement prouvée puisqu’on en retrouve dans l’air en… Arctique [8]. Ils ont également tendance à s’accumuler dans la chaîne alimentaire et ont été mis en évidence chez plusieurs espèces animales et également chez l’homme.

Ces composés ont un effet sur le système endocrinien, notamment sur la thyroïde et les fonctions reproductrices. Récemment, une étude a montré que l’exposition de femelles gestantes et allaitantes à des retardateurs de flamme bromés entraînait des effets sur la descendants, tels que des changements dans le métabolisme lipidique et des altérations du développement cérébral [9]. D’autres études ont pointé une baisse du quotient intellectuel en lien avec l’exposition aux retardateurs de flamme.

Précisons que certains professionnels du feu demandent l’interdiction de ces substances. En effet, un objet ignifugé peut tout de même s’enflammer, et dans ce cas libérer davantage de monoxyde de carbone, de suies et de fumée. L’ANSS a d’ailleurs montré que l’utilisation de retardateurs de flamme n’a pas permis de diminuer le nombre de décès suite à un incendie.

Comment réduire l’exposition aux retardateurs de flamme

Il est très difficile d’éviter l’exposition aux retardateurs de flamme car ils sont présents dans quasiment tous les objets du quotidien. Pour en diminuer au maximum la concentration, il est impératif d’aérer les lieux fermés tous les jours, davantage encore lors de l’achat de meubles ou de matériaux neufs.

Les bougies et encens

Les bougies, encens et parfums d’intérieur sont de plus en plus utilisés. En effet, ils parfument nos logements et on a même parfois l’impression qu’ils peuvent purifier l’air. Ces produits sont cependant loin d’être innocents. D’après l’Ineris, leur utilisation semble présenter des risques aigus, chroniques et cancérogènes, même dans le cas d’un usage mensuel – ce qui est le cas de 15% des Français. L’encens émet principalement des particules, du benzène et du formaldéhyde, tous deux reconnus comme cancérigènes par l’Organisation Mondiale de la Santé. Mais il est très difficile de connaître la composition exacte de l’encens qui comprend souvent un très grand nombre de substances. Quant aux bougies parfumées, elles relâchent elles aussi du formaldéhyde et des particules, mais également de l’acroléine, une molécule très toxique irritant la peau et les muqueuses. Les cires utilisées dans ces bougies sont d’origine multiples : animales (abeille notamment), minérales (à base d’hydrocarbures) ou végétales (soja, palmier). Des polymères sont aussi utilisés pour incorporer le parfum dans ces produits.

Pour parfumer votre maison, évitez de façon générale les produits nécessitant une combustion, optez plutôt pour des diffuseurs d’huiles essentielles « Bio » si possible ou éventuellement des bouquets de fleurs fraîches.

Le radon

Le radon est un gaz naturel radioactif, incolore et inodore présent partout à la surface de la planète mais plus spécifiquement dans les sous-sols granitiques ou volcaniques. En France, les régions particulièrement touchées sont donc l’Auvergne, la Bretagne, la Corse et la Franche-Comté. Il est issu de la désintégration radioactive naturelle de l’uranium, un constituant de la croûte terrestre. Le radon se désintègre lui-même en d’autres éléments radioactifs qui se fixent sur les aérosols, les poussières ou d’autres particules présentes dans l’air. Quand on respire, ils se déposent sur les cellules des parois des voies respiratoires, et peut poser des problèmes de santé. Dans l’atmosphère, le radon est dilué par les courants aériens et sa concentration est faible. Par contre, à l’intérieur d’un bâtiment ou d’une maison, il s’infiltre par le sol, s’accumule et peut alors atteindre des concentrations élevées.

Le radon provoque chaque année en France entre 1 200 et 2 900 décès par cancer du poumon [10]. En 1987, il a été classé comme « cancérigène certain » pour le poumon par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer). L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’au niveau mondial la proportion des cancers pulmonaires imputables au radon est comprise entre 3 et 14%. Il représente un tiers de l’exposition moyenne de la population française aux rayonnements ionisants. Outre la nature géologique du terrain sur lequel l’habitation est construite, les causes de la présence de radon dans l’air intérieur sont principalement les mauvaises conditions de ventilation (plus de 80% des cas) et les défauts d’étanchéité du sol.

Quelques conseils pour limiter l’exposition au radon

Dans les régions les plus touchées, les propriétaires de lieux ouverts au public doivent faire effectuer des dépistages de radon et mettre en œuvre des actions afin de réduire au maximum une éventuelle exposition des personnes au radon. Chez les particuliers, le dépistage du radon peut être fait à l’initiative de l’occupant. Vous pouvez le réaliser vous-même, en vous procurant un dosimètre auprès de l’une des sociétés qui les commercialise, ou faire appel à un professionnel. Vous pouvez également contacter un organisme agréé pour la mesure du radon.

Pour cela,  voici quelques conseils à mettre en œuvre en fonction de la concentration en radon:

  • < 400 Becquerel/m3 (Bq/m3) : aérer au maximum son logement
  • > 400 Bq/m3 et <1000 Bq/m3 : améliorer l’efficacité de la ventilation et vérifier l’absence de fissure du sol et des murs
  • > 1000 Bq/m3 : faire appel à un professionnel du bâtiment pour vérifier les travaux à entreprendre

N’oubliez pas non plus que le radon peut se concentrer particulièrement dans les caves et les vide-sanitaires, des endroits par définition peu ventilés. Prudence donc pour les enfants qui jouent dans ces lieux !

Les pesticides

Des pesticides dans l’air intérieur ? Cela peut sembler étonnant mais oui… Il faut dire que les pesticides regroupent plusieurs familles de substances largement utilisées : insecticides, rodenticides, vermifuges… Un rapport de l’INERIS de 2008 avait d’ailleurs montré qu’on pouvait détecter au moins un pesticide dans 94% des foyers ; les substances les plus retrouvées étaient les insecticides. 87% des gens interrogés ont d’ailleurs déclaré avoir utilisé au moins un pesticide l’année précédente. Le type de logement et son ancienneté sont également des facteurs influençant les concentrations en pesticide.

La présence de pesticides dans les logements peut être due au traitement des plantes d’intérieur mais aussi aux bouquets de fleurs qui décorent nos habitations. En effet, les fleurs sont fréquemment traitées aux pesticides. Une étude en Belgique a d’ailleurs montré que les fleuristes étaient très exposés à ces substances et à de fort taux [11].

L’exposition aux pesticides peut également se faire par le biais des insecticides contre les fourmis et les moustiques par exemple, des rodenticides parfois largement utilisés, mais aussi par le traitement antipuces et vermifuges de nos animaux de compagnie.

Mais les pesticides sont connus pour avoir de nombreux effets sur la santé, notamment de perturbateurs du système endocrinien. Des effets transgénérationnels ont également été mis en évidence.

Comment limiter l’exposition aux pesticides

Le plus simple est bien évidemment de se passer de ces produits ! Certains peuvent être assez facilement évitable, les plantes d’intérieur notamment ont peu besoin d’être traitées par des pesticides. Pour les bouquets de fleurs, il est également facile de les éviter, ou tout au moins de se procurer des fleurs non traitées. A moins que vous ne préfériez admirer les fleurs au jardin… Pour les insecticides, une moustiquaire peut être très efficace… Et si vous vous mettiez à tolérer les araignées ? Ces animaux sont très utiles pour piéger les insectes nuisibles.

Les allergènes

Les allergènes d’acariens

Les acariens sont des arthropodes de la famille des arachnides qui mesurent quelques dizaines de micromètres (le plus souvent entre 10 et 50µm). On peut en répertorier des milliers d’espèces différentes. Ils se développent généralement sous un environnement humide (taux d’humidité 60-80%) et chaud (entre 26 et 32°C), c’est pourquoi on les retrouve dans les habitations.

Ces animaux microscopiques sont très utiles car ils participent au processus de dégradation de la matière organique : ils se nourrissent de débris de peaux mortes. Les lits forment un lieu de colonisation idéal pour les acariens, on peut ainsi recenser 2 millions d’acariens dans un matelas ! On les retrouve également dans les moquettes, les tapis, les vêtements, les rideaux ou les peluches. Etonnamment, l’altitude joue un rôle dans l’habitat des acariens ; en effet, au-dessus de 1500m d’altitude, on ne retrouve plus d’acariens. Les montagnards ne sont donc pas concernés par ce problème!

Mais chez certaines personnes, quelques espèces d’acariens peuvent provoquer des allergies, même si elles sont peu nombreuses. L’inhalation de débris d’acariens morts et de déjections peut provoquer des rhinites allergiques voire des crises d’asthme, et dans de plus rares cas des manifestations dermatologiques comme de l’eczéma. Ces débris sont présents dans les poussières et souvent dispersés dans l’air par les travaux ménagers.

Les allergènes d’animaux

Certains animaux de compagnie peuvent également être responsables d’allergies. Les allergènes de chat ou de chien sont des protéines qui proviennent de la salive ainsi que des glandes sébacées et anales. La toilette de l’animal entraîne le dépôt des allergènes sur le pelage et dans l’atmosphère ; ces allergènes peuvent être transportés par des particules fines de moins de 5µm. On peut les retrouver sur le sol, les fauteuils, les meubles, les moquettes ou les vêtements. Dans les pays occidentaux, l’allergène majeur du chat représente la deuxième cause de problèmes respiratoires allergiques après les acariens ; il est en cause dans environ 25% des asthmes allergiques. L’allergène majeur du chien est quant à lui impliqué dans 10 à 15% des asthmes allergiques.

Les moisissures

Les moisissures sont des champignons microscopiques naturellement présents dans l’air. Elles prolifèrent particulièrement dans les endroits chauds, humides ou mal aérés : logements anciens, salles de bains, cuisines, caves, aquariums et terre des plantes vertes par exemple. Lorsqu’elles sont visibles, elles prennent habituellement l’aspect de tâches de couleur brune ou noire. Grâce à leur petit diamètre, elles peuvent facilement pénétrer dans les voies respiratoires. Elles ne sont pas forcément dangereuses pour la santé, mais certaines produisent des mycotoxines qui peuvent provoquer des allergies, des difficultés respiratoires et altérer le système immunitaire.

Des solutions simples pour y faire face

Si vous avez des moisissures, la première chose à faire est d’en rechercher la cause. En général, il s’agit d’un problème d’humidité. L’idéal, c’est d’avoir un taux d’humidité compris entre 30 % et 50 %. Si, chez vous, ce taux est supérieur, assurez-vous que votre logement est correctement ventilé et aéré (après la douche, pendant la cuisson d’aliments), et faites sécher votre linge de préférence à l’extérieur. Si cela ne suffit pas, munissez-vous d’un déshumidificateur d’air.

Pour supprimer les moisissures, nettoyez-les avec du savon. Attention, l’eau de Javel n’est pas recommandée sur les surfaces poreuses comme c’est le cas des murs. Utilisez également un filtre à haute efficacité pour les particules de l’air (HEPA) lorsque vous passez l’aspirateur et évitez de produire de la poussière. Si les moisissures sont importantes et qu’elles réapparaissent une fois la zone nettoyée, faites appel à un professionnel.

Des gestes simples pour limiter la pollution intérieure

L’aération

Eté comme hiver et dans n’importe quelle région, une aération de 15 minutes au minimum est indispensable. En cas de travaux ou d’utilisation de nettoyants polluants ou de produits ménagers, il faut bien sûr augmenter ce temps. Pensez également à ouvrir les fenêtres des chambres, y compris des enfants. Si vous habitez à proximité d’un axe routier, aérez tôt le matin ou tard le soir pour éviter les polluants émis par le trafic.

Eviter les polluants

Le premier polluant et le plus facile à éviter est bien sûr le tabac. Comme dit précédemment, fumer la fenêtre ouverte ne préserve pas de la toxicité puisque les composants de la fumée sont absorbés par les tissus présents dans la pièce et continuent donc à se diffuser dans l’air. Fumez donc toujours en extérieur.

Le nettoyage des VMC

Les ventilations mécaniques contrôlées sont intéressantes pour assurer un renouvellement permanent d’air. Pour que leur efficacité soit optimale, il convient de nettoyer leurs filtres tous les trimestres et de les faire vérifier par un professionnel tous les trois ans.

Des travaux d’isolation

Isoler peut vous permettre de faire de grandes économies d’énergie et de préserver votre santé. Mais il faut veiller à ce que l’isolation soit complète (murs et fenêtres) pour éviter la création de ponts thermiques à l’origine de nombreuses moisissures. Quant aux laines de verre ou de roche, ce sont des fibres minérales artificielles qui sont utilisées comme isolants dans la maison [12] [13] [14] . Les poumons sont la voie d’entrée principale. La toxicité pulmonaire dépend cependant de leur taille (les plus petites sont les plus dangereuses) et de la présence éventuelle d’additifs – certains liants permettant de lier les fibres entre elles comme le formaldéhyde, produit classé cancérigène. On peut donc assister à des manifestations respiratoires ou des irritations cutanées dues à ces fibres. Les travailleurs du secteur vont être les plus exposés à ces poussières et doivent, comme le particulier, adopter de bonnes pratiques de pose. La découpe et la pose sont primordiales. On ne doit pas découper à l’avance. On doit couper au plus près de la zone de pose. On doit prévoir une pose dans un endroit bien ventilé. Si vous posez vous-même vos isolants, utilisez des équipements de protection individuelle : gants, lunettes, vêtements adaptés… Évitez si possible de les découper et si c’est le cas, prenez une douche après. Attention, ne mélangez pas les vêtements portés lors du chanter avec les autres. Pour éviter l’émission de COV comme le formaldéhyde due aux liants, choisissez de préférence les produits étiquetés A+ qui sont les moins émissifs.

Surveillez vos systèmes de chauffage

Les feux de cheminée  peuvent dégager des hydrocarbures et des particules fines. Il est donc important de faire ramoner son conduit deux fois par an pour éliminer les goudrons. Evitez également de brûler des bois peints ou traités. Pensez à utiliser du bois bien sec et évitez le pin qui encrasse les conduits. Enfin, équipez-vous d’un insert qui permettra à la pollution de ne pas pénétrer dans la pièce.

Pour éviter les intoxications au monoxyde de carbone, faites vérifier et entretenir vos appareils par un professionnel chaque année. S’équiper de détecteurs de monoxyde de carbone est également une bonne solution ; vérifiez qu’ils répondent aux normes EN50291 ou EN50292.

Enfin, les appareils de climatisation peuvent héberger des bactéries et des moisissures qui se développent dans les réservoirs d’eau. Pensez à nettoyer régulièrement vos climatiseurs.

Encadré : les purificateurs d’air

On trouve de plus en plus de purificateurs d’air dans les rayons des magasins, en plus de produits tels que des papiers muraux, des peintures, des carrelages ou des sprays qui se disent autonettoyants et antibactériens. Ces produits utilisent la photocatalyse pour détruire les substances polluantes en les décomposant en vapeur d’eau et en dioxyde de carbone. Mais ce procédé peut provoquer la formation de sous-produits de dégradation qui peuvent être très néfastes pour la santé. De même, les ioniseurs d’air peuvent aussi créer des sous-produits plus toxiques que les substances que l’on cherche à éliminer. Les épurateurs d’air utilisant des techniques de filtration sont moins problématiques pour la santé, à condition de nettoyer les filtres régulièrement pour éviter le dépôt de moisissures.

Et l’intérieur des voitures alors?

L’habitacle de la voiture peut en effet être considéré comme un intérieur, et certains y passent plusieurs heures par jour. Comme pour la maison, il convient d’aérer l’intérieur des voitures quotidiennement si possible, le matin et au sortir des embouteillages.

Règlementation

Si les polluants de l’air extérieur sont sous effet de règlementations, il n’y a pas de seuils règlementaires fixés pour les polluants de l’air intérieur à l’exception du radon, de l’amiante et du monoxyde de carbone. L’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) a toutefois mis en place des valeurs guides de la qualité de l’air pour 6 substances identifiées comme prioritaires : le formaldéhyde, le monoxyde de carbone, le benzène, le tétrachloroéthylène, le trichloréthylène et le naphtalène. Ces valeurs sont exprimées sous forme de concentration dans l’air associée à un temps d’exposition ; en-dessous de cette concentration, aucun effet sanitaire n’est en principe attendu pour la population générale. Pour les effets sans seuil de dose (substances génotoxiques et cancérigènes), les valeurs sont associées à différents niveaux de risque (10-6 et 10-5).

Substance temps d’exposition valeurs proposées (µg/m3) année de parution
formaldéhyde 2h 50 2007
< 1 an 10
monoxyde de carbone 8h 10 2007
1h 30
30 min 60
15 min 100
benzène 1 – 14j 30 2008
14j – 1 an 20
> 1 an 10
vie entière (risque 10-6) 0,2
vie entière (risque 10-5) 2
naphtalène < 1 an 10 2009
trichloroéthylène 14j – 1 an 800 2009
vie entière (risque 10-6) 2
vie entière (risque 10-5) 20
tétrachloroéthylène 1 – 14j 1380 2009
< 1 an 250

Pour les particules en suspension présentes dans l’air intérieur, l’ANSES ne propose pas de valeurs seuils mais s’appuie sur les recommandations de l’OMS :

  • Sur 24h : 25µg/m3 pour les PM2,5 et 50µg/m3 pour les PM10
  • Sur le long terme : 10µg/m3 pour les PM2,5 et 20µg/m3 pour les PM10

L’ASEF tient cependant à souligner que ces valeurs guides sont basées sur le principe de Paracelse selon lequel «la dose fait le poison». Pourtant, ce principe n’est pas un gage de garantie puisque nous sommes inégaux devant la pollution et la maladie. La durée d’exposition, l’âge, le sexe, la période de la vie, les sensibilités individuelles sont à prendre en compte. Or avec ces normes, on considère que les bébés dans leurs crèches peuvent respirer le même taux de formaldéhyde que des adultes dans leurs bureaux.

Encadré : un décret qui ne passe pas

En 2009, le Ministère de l’écologie, du développement Durable, des Transports et du Logement avait lancé une campagne sur la surveillance de la qualité de l’air dans 300 crèches et écoles françaises. Suite à cette campagne pilote, un décret paru en 2011, rendait obligatoire la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les établissements accueillant un jeune public à partir de 2015. 

Mais tout cela n’est maintenant plus d’actualité puisqu’en septembre 2014, Ségolène Royal, la ministre de l’Ecologie, a annoncé qu’elle repoussait cette obligation prévue en janvier 2015. A quand ? On ne sait pas. D’après le communiqué, le décret prévu en 2011 avait obtenu le « deuxième prix des normes absurdes » et suscitait des inquiétudes des maires. La Ministre de l’Écologie a donc pris en compte ces inquiétudes en mettant en place une décision simple, pragmatique qui concilie qualité de l’air et simplicité des actions : elle remplace la surveillance obligatoire par un guide de bonnes pratiques. 

Conclusion

Tous ces polluants peuvent rendre l’air de nos logements moins respirable qu’il n’y paraît. D’autant plus que les effets de certains composés peuvent s’additionner pour former le fameux «effet cocktail», c’est-à-dire que la synergie exercée par plusieurs substances peut avoir un effet plus toxique que chaque substance prise isolément. Essayez donc au maximum de minimiser l’impact de ces polluants en évitant ceux que vous pouvez et surtout en aérant vos habitations.

Bibliographie

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[12] Fiche prévention de l’OPPBTP I5 F 01 13

[13] Fiche pratique de sécurité ED93 de l’INRS par Michèle Guimon, Myriam Ricaud et Frédérique Roos

[14] http://www.inrs.fr/risques/fibres-hors-amiante.html

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