Les nanoparticules - la synthèse de l'ASEF
Cosmétiques, emballages, automobiles, textiles, les nanoparticules ont envahi notre quotidien sans même que l’on s’en rende compte. Les industriels y voient la solution à de nombreux problèmes en termes d’énergie, de communication et de santé car ces toutes petites particules possèdent des propriétés physico-chimiques que n’ont pas les particules plus grosses. Pourtant, elles suscitent autant d’inquiétudes que d’espoirs. Certains scientifiques les soupçonnent en effet d’être dangereuses pour la santé. Mais à quoi peuvent-elles bien servir ? Sont-elles vraiment utiles ? Doit-on s’en méfier ? Eléments de réponses…
Une nanoparticule : qu’est-ce que c’est ?
Une nanoparticule, également appelée particule ultrafine, est définie comme un nano-objet dont les trois dimensions sont à l’échelle nanométrique ; c’est donc une particule dont le diamètre est inférieur à 100 nanomètres. Une autre définition plus large existe, qualifiant de nanoparticule un assemble d’atomes dont au moins une dimension se situe à l’échelle nanométrique. Le terme fait donc référence à plusieurs classes de nano-objet :
- Les fullerènes, qui ont leurs trois dimensions dans le domaine nanométrique
- Les nanotubes qui ont deux dimensions nanométriques
- Les films minces qui n’ont qu’une dimension nanométrique
A titre de comparaison, il existe le même rapport de taille entre la planète Terre et une orange qu’entre une orange et une nanoparticule. Ces caractéristiques dimensionnelles permettent à ces matériaux d’avoir des propriétés physiques particulières, en termes de solidité par exemple. En effet, l’augmentation importante de la proportions d’atomes en surface provoque une augmentation de l’activité surfacique. Pour le même métal, les propriétés obtenues sont ainsi très différentes selon qu’il s’agit d’une forme macro ou d’une forme nano.
Les nanomatériaux peuvent être fabriqués à partir d’éléments chimiques tels que des métaux, des sulfites ou des sélénites, du carbone, des polymères, et des molécules biologiques telles que des lipides, des hydrates de carbone, des peptides ou des acides nucléiques. Il en existe donc une grande diversité.
Selon la Commission européenne, le marché des nanotechnologies est estimé à 700 milliards d’euros en 2008. Il devrait atteindre 2 000 milliards de dollars en 2015, et en matière d’emploi concerner 2 millions de personnes dans le monde.
Où les trouve-t-on
Depuis les années 90, les nanoparticules sont utilisées dans de très nombreux domaines : électronique, revêtements, textiles, articles de sports, cosmétiques, applications pharmaceutiques, applications agroalimentaires, aéronautique, automobile, chimie, construction, la cosmétique, optique, etc. Aujourd’hui, elles sont présentes dans plus d’un millier de produits.
L’alimentation
Aujourd’hui, les nanoparticules sont bien intégrées dans notre alimentation. Elles sont utilisées pour modifier la couleur, l’odeur, le goût, la fluidité, la texture ou la conservation des aliments. Elles peuvent également être incorporées aux emballages pour agir sur leur conservation, leur traçabilité et leur recyclage.
Par exemple, les nanoparticules d’oxyde de silice (E5551) améliorent les émulsions. Elles sont ajoutées dans le sel, les soupes, les laits, le chocolat, les crèmes en poudre et les hamburgers. Quant au dioxyde de titane sous forme nano, il est utilisé comme agent blanchissant pour le glaçage, mais aussi pour l’enrobage des bonbons afin d’empêcher l’oxygène et l’humidité d’altérer le produit et ainsi accroitre sa durée de conservation.
Plus de 300 nano-aliments ont été répertoriés et constituent déjà un marché de plusieurs centaines de milliards de dollars dans le monde, les Etats-Unis en tête, suivis par le Japon et la Chine. En France, peu d’informations sont disponibles, car la mention de nanomatériaux sur l’étiquetage n’est pas obligatoire dans notre pays.
Les peintures et revêtements
Les nanoparticules constituent un outil de plus pour les producteurs de peintures et de revêtements. Intégrées comme additifs, elles accroissent la résistance à l’abrasion, aux rayures ou la corrosion, protègent des UV et améliorent leur durabilité. Elles ont en plus des propriétés hydrofuges, antimicrobiennes et autonettoyantes, et ne modifient pas la texture et donc l’application des formules.
Les textiles
L’industrie textile recourt parfois aux nanotechnologies pour améliorer ses produits (propriétés thermiques, anti-plis) et leur résistance à l’eau, au feu ou à l’abrasion. C’est le cas de certains vêtements de sport et de certaines chaussettes dont des nanoparticules métalliques, d’argent notamment, sont intégrées aux fibres afin de donner des propriétés bactéricides au tissu et de lutter contre les mauvaises odeurs.
Les cosmétiques
Dans le domaine cosmétique, on retrouve principalement des nanoparticules de dioxyde de titane et d’oxyde de zinc. Les produits solaires sont particulièrement impactés, ces substances servant d’écran solaire minéral et permettant de facilité l’étalement et le confort d’utilisation des produits. On en retrouve aussi dans des crèmes et émulsions pour la peau, des produits de maquillages, des dentifrices. Les nanoparticules sont principalement utilisées comme colorants, épaississants, dispersants ou filtres UV.
Pour plus d’informations sur les crèmes solaires, vous pouvez consulter notre synthèse en cliquant ici !
Le domaine médical
Dans ce domaine, les nanotechnologies ont permis de grandes innovations telles que l’élaboration de nouveaux types de prothèses plus résistantes mais aussi biocompatibles. La médecine actuelle fonde donc d’immenses espoirs dans les applications des nanotechnologies, notamment pour le traitement des cancers.
En 2012, des chercheurs britanniques ont mis au point un test à base de nanoparticules d’or qui permet de dépister à l’œil nu les premiers stades d’une maladie ou d’une infection, comme le cancer de la prostate ou le VIH [1]. Ce détecteur, constitué d’infimes particules d’or déposées sur une base en plastique, permet d’analyser le sérum contenu dans le sang du patient. Si ce sérum contient les marqueurs biologiques distinctifs d’une maladie, comme le p24 associé à une infection par le virus du sida ou l’antigène prostatique spécifique (PSA) servant à diagnostiquer un cancer de la prostate, les nanoparticules d’or réagissent, donnant une teinte bleue caractéristique à la solution remplissant le détecteur. En l’absence de ces marqueurs, les particules se séparent pour former des sortes de petites boules qui donnent une coloration rougeâtre. Selon ses inventeurs, ce prototype est dix fois plus sensible que les procédés actuels et dix fois moins cher à fabriquer, ce qui pourrait particulièrement intéresser les pays défavorisés.
Effets sur le corps humain
Métabolisme des nanoparticules dans l’organisme
On ne connaît pas vraiment le devenir des nanoparticules dans l’organisme ; en effet ces substances ne s’éliminent pas comme des composés xénobiotiques (étrangers à l’organisme) traditionnels. On peut néanmoins distinguer deux voies d’élimination :
- L’élimination chimique, c’est-à-dire la dissolution des nanoparticules dans des fluides biologiques
- L’élimination physique, qui consiste au transport des nanoparticules vers d’autres sites de l’organisme, notamment la bouche et le nez. Les nanoparticules insolubles sont principalement éliminées par le transport muco-ciliaire de l’arbre bronchique vers les voies aériennes supérieures où elles peuvent être rejetées vers l’extérieur (éternuements, mouchage) ou accéder au système digestif (déglutition). Au niveau des alvéoles pulmonaires, les nanoparticules peuvent être phagocytées par les macrophages du système immunitaire mais uniquement si elles sont agglomérées.
Risques pour la santé
Même si on trouve de nos jours des nanoparticules partout, présentent-elles des risques pour la santé ? Déterminer les conséquences sur la santé de l’exposition aux nanoparticules n’est pas si aisé. D’une part les matériaux sont variés, et ensuite il est très difficile d’évaluer ces particules dans la mesure où elles possèdent des caractéristiques très différentes des objets plus gros. Par ailleurs, les nanoparticules présentent une surface spécifique (rapport surface/masse) énorme, ce qui augmente leur capacité d’interactions avec les organismes vivants.
On sait que les nanoparticules ont des niveaux d’interaction et de pénétration plus importants que leurs homologues macroscopiques. Le danger potentiel provient de leur petite taille, qui facilite leur passage à travers les cellules de l’organisme puis vers la circulation sanguine et les organes internes. Elles peuvent même passer à travers les barrières de protection de l’organisme (peau, placenta, barrière hémato-encéphalique…). Etant 50 000 fois plus petites qu’un cheveu, leurs dimensions sont inférieures à celles des particules atmosphériques ultrafines !
Les nanoparticules pourraient également servir de cheval de Troie pour les autres polluants présents dans l’environnement. Certaines nanoparticules ont en effet la propriété d’adsorber à leur surface des molécules qui peuvent être toxiques. Dans ces conditions, la toxicité ne relève pas de la nanoparticule elle-même mais des substances véhiculées à sa surface et qui peuvent ainsi pénétrer parfois plus facilement dans l’organisme.
Dans son rapport intitulé « Évaluation des risques liés aux nanomatériaux » publié en mai 2014 [2], l’Anses a pointé les effets encore méconnus de ces technologies. Chez les organismes vivants (animaux ou végétaux), des travaux ont mis en évidence la persistance de nanomatériaux, ainsi que des troubles tels que des retards de croissance, des anomalies ou malformations dans le développement ou la reproduction, des troubles neurologiques, des phénomènes d’immunosuppression, des réactions d’hypersensibilité et d’allergie. Chez l’animal, des effets cancérogènes ont également été mis en évidence avec les nanomatériaux tels que les nanoparticules de cobalt et de nickel et les nanotubes de carbone. Ces derniers peuvent aussi entraîner des effets toxiques sur l’environnement avec par exemple un effet antimicrobien lorsqu’ils sont dispersés dans le sol.
En ce qui concerne les effets sur l’homme, ils restent encore largement méconnus en raison de l’absence d’études épidémiologiques. Ces technologies sont en effet très récentes, elles ne sont apparues sur le marché que depuis une dizaine d’années seulement.
Exposition cutanée
Dans les produits cosmétiques, les nanoparticules permettent d’encapsuler des actifs pour leur conférer de nouvelles propriétés. On peut ainsi améliorer le pouvoir couvrant et la pénétration des actifs cosmétiques. Mais on mesure très mal la possible toxicité de ces nanoparticules.
Certaines études ont mis en évidence un effet des nanoparticules sur la peau. Dès 2006, une étude a montré que des particules nanométriques étaient capables de traverser la barrière cutanée [3]. Récemment, une revue de littérature a conclu au passage cutané des nanoparticules de moins de 20 nm ; celles de taille comprise entre 20 et 45 nm pourraient uniquement traverser les barrières cutanées endommagées et celles de plus de 45 nm ne pourraient pas pénétrer dans la peau [4].
De son côté, l’ANSM a conclu en 2011 que les études scientifiques actuelles ne montraient pas de pénétration cutanée significative des nanoparticules de dioxyde de titane pour les peaux saines [5]. Cependant, les recommandations sont de ne pas utiliser de cosmétiques avec des nanoparticules de dioxyde de titane sur une peau lésée et chez les enfants.
Inhalation
Les nanoparticules peuvent également être inhalées, majoritairement lors d’expositions professionnelles. Lorsqu’elles arrivent dans le système respiratoire, elles ne sont pas arrêtées comme d’autres particules plus fines au niveau des bronches ; au contraire, du fait de leur taille, elles peuvent pénétrer profondément dans les alvéoles pulmonaires pour y provoquer des inflammations. Elles peuvent également franchir la barrière pulmonaire et atteindre le système circulatoire.
Plusieurs études ont démontré l’apparition d’inflammation pulmonaire avec des changements au niveau des tissus lors de l’exposition aux nanoparticules [6] [7].
Certains nanomatériaux ont été plus précisément étudiés. Ainsi, le dioxyde de titane a été classé comme cancérogène possible après inhalation par le CIRC, après qu’une étude a montré la survenue de cancers pulmonaires chez le rat après inhalation de dioxyde de titane [8].
D’autres études chez des travailleurs exposés à des nanoparticules de polyacrylate ont également montré des effets pulmonaires, comme par exemple des bronchiolites ou des détresses respiratoires [9] [10]. Mais les mécanismes précis de toxicité des nanoparticules restent peu connus. Des études chez des mineurs du charbon exposés à des poussières ultrafines ont montré une accumulation des nanoparticules au niveau du foie et de la rate [11]. Cette accumulation était plus élevée chez les travailleurs présentant des problèmes pulmonaires sévères, suggérant ainsi que des lésions pulmonaires favoriseraient le passage des nanoparticules vers le système sanguin et l’organisme entier.
Enfin, des études chez le rat ont montré qu’après inhalation de nanoparticules de dioxyde de titane, ces mêmes particules étaient retrouvées au niveau du cerveau [12]. En effet, l’exposition in vitro à ces nanoparticules entraînait une rupture de la barrière de protection ainsi qu’une inflammation.
Ingestion
L’ingestion des nanoparticules est complexe à étudier. En effet, l’évaluation du risque doit prendre en compte la diversité physico-chimique des nanomatériaux utilisés dans le domaine agro-alimentaire mais aussi le cycle de vie de ces additifs (mode de stockage, de cuisson…), le contact avec l’acidité de l’estomac et les interactions avec d’autres ingrédients et substances présents dans l’alimentation.
Certains additifs alimentaires sont nanoparticulaires, notamment le colorant E171, qui est en fait du dioxyde de titane.
Il a été récemment montré que le dioxyde de titane était capable de franchir la barrière intestinale pour passer dans le sang et finir dans le foie [13]. Cette étude, réalisée chez le rat à des taux proches de l’exposition alimentaire humaine, a montré que des nanoparticules de dioxyde de titane étaient présentes dans la paroi de l’intestin grêle et du côlon, et se logeaient dans le noyau de cellules immunitaires localisées dans l’intestin. Les résultats ont également montré que leur présence entraînait un déséquilibre des réponses immunitaires, notamment des réactions micro-inflammatoires dans la muqueuse du côlon. Dans la rate, l’exposition au E171 augmente la capacité des cellules immunitaires à produire des molécules pro-inflammatoires. Plus important encore, certains rats exposés ont développé des lésions précancéreuses sur l’épithélium intestinal. Il pourrait donc y avoir un effet initiateur et promoteur des nanoparticules de dioxyde de titane sur la cancérogénèse colorectale.
Chez les humains, des études ont retrouvé des nanoparticules de dioxyde de titane dans l’intestin de personnes atteintes de maladies inflammatoires chroniques intestinales, y compris chez les enfants [14]. Quelques études récentes chez l’animal ont également suggéré que l’exposition totale à des nanoparticules de titane entraînait un œdème du foie et des lésions cardiaques, ainsi que des modifications cellulaires au niveau de l’estomac [15].
L’ANSES a récemment publié un communiqué dans lequel elle recommande de limiter l’exposition des consommateurs, des salariés et de l’environnement en favorisant des produits dépourvus de nanomatériaux et de même efficacité. S’il est évident que se pose la question du bénéfice de l’ajout de ce produit dans l’alimentation compte tenu de ses effets potentiels sur la santé, l’ANSES ajoute que ces résultats ne permettent pas de conclure sur les effets du dioxyde de titane [16].
Encadré : et chez les femmes enceintes ? Les études actuelles sont encore limitées quant aux effets des nanoparticules chez la femme enceinte et le fœtus. Plusieurs organes des fœtus sont sensibles in utero à l’inhalation maternelle de nanoparticules qui sont capables de traverser la barrière placentaire, comme cela a été mis en évidence pour les nanoparticules issues de moteurs diesel [17]. Des effets transgénérationnels ont également été observés. Privilégiez donc au maximum les aliments et les cosmétiques sans nanomatériaux. Etant donné le peu d’étiquetage de ces substances, le mieux est d’éviter les produits contenant du dioxyde de titane ainsi que les aliments contenant l’additif E171. |
Impact environnemental
Les stations d’épuration n’étant pas efficaces pour éliminer les nanoparticules, celles-ci se retrouvent donc dans l’environnement. Mais quels effets ont ces nanoparticules ?
Que deviennent les nanoparticules libérées dans l’environnement
Dans une étude publiée en 2012, des chercheurs ont suivi l’évolution des nanoparticules dans l’environnement [18]. Pour cela, ils ont utilisé des mésocosmes, c’est-à-dire des boîtes recréant l’habitat terrestre et/ou les lieux humides. Après y avoir dispersé des nanoparticules d’argent, ils ont étudié pendant 18 mois les interactions de ces particules avec l’environnement. Les résultats ont montré une accumulation de nanoparticules dans les plantes terrestres et les animaux aquatiques. Ils ont également établi que les nanoparticules pouvaient être transmises par les femelles aux embryons. Par ailleurs, 70% des particules se sont retrouvé dans les sols et les sédiments des zones humides sous différentes formes : inchangée, sulfure d’argent (après réaction avec du soufre) ou lié à la matière organique.
Les effets toxiques des nanoparticules
Les effets sur la faune
Aujourd’hui, une majorité d’études montrent les effets cytotoxiques des nanoparticules. Plus ces particules sont petites, plus elles sont capables de synthétiser des radicaux libres et ainsi d’endommager les membranes cellulaires et les chromosomes. Par exemple, les fullerènes C60, des nanosphères composées de 60 atomes de carbone, libèrent une quantité importante de radicaux libres lorsqu’ils sont en suspension dans l’eau. Quant aux nanoparticules d’argent inférieures à 10 nanomètres, elles libèrent des ions argent qui interagissent avec les atomes de soufre dans les protéines des membranes cellulaires et avec les atomes de phosphore de l’ADN. Les nanotubes de carbone, eux, bloqueraient l’activité respiratoire et la digestion de certains amphibiens.
Les nanoparticules d’argent se sont avérées toxiques pour les poissons, chez les embryons et les adultes [19]. Une contamination chronique aux nanoparticules d’argent entraîne ainsi une perturbation du développement embryonnaire avec des retards de développement. Le taux d’éclosion chez les populations exposées est également diminué de 38%.
Les effets sur la flore
Les nanoparticules peuvent avoir différents effets sur les plantes et toucher plusieurs étapes du développement. Plusieurs nanoparticules sont absorbées par les racines et transportées dans l’organisme végétal via le système vasculaire ; d’autres nanoparticules restent attachées aux racines. Des études ont montré que certaines nanoparticules pouvaient affecter la croissance de végétaux et provoquer une inhibition complète de la germination [20].
Problèmes de recyclage
Même si les nanotechnologies peuvent être considérées comme peu polluantes en économisant de la matière et en favorisant la miniaturisation, la plupart des utilisations conduisent à des usages dispersifs sans possibilité de recyclage. Cela représente au final des quantités qui peuvent être très importantes ! Par exemple, en 2008, la production de nanoparticules d’argent représentait 500 tonnes, soit près de 3% de la production mondiale d’argent
La règlementation
Cadre règlementaire
Actuellement, les nanomatériaux manufacturés sont reconnus comme un groupe de substances à part. Cependant, il n’existe aucune loi en vigueur spécifique aux nanomatériaux concernant leur production, leur utilisation ou leur commercialisation. Ainsi, le programme européen REACH (Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals) reconnaît les propriétés spécifiques des nanomatériaux mais ne possède aucune disposition particulière à leur égard. De même, l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) déterminent les règlements selon la nouveauté de l’identité moléculaire des produits. Ainsi, un nanomatériau n’est généralement pas considéré comme nouveau et est régi par la règlementation de son équivalent non-nano.
En France, la loi Grenelle 2 de juillet 2010 avait prévu le principe de la déclaration des nanoparticules produites, distribuées ou importées en France au niveau de leur identité, leur quantité et leurs usages. Mais ces règlements ne sont pas toujours appliqués.
- Nanoparticules alimentaires: En décembre 2013, selon le règlement européen sur l’information du consommateur, la mention «nano» aurait dû apparaître sur les étiquettes des denrées alimentaires. Mais la Commission Européenne a alors proposé d’exempter de cette mention les additifs utilisés depuis plusieurs années (notamment les colorants et antiagglomérants). Un deuxième écueil est également apparu : le seuil de 50% de nanomatériaux doit être atteint pour que l’on signale leur présence. Pourtant, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) avait demandé un seuil de 10% en raison de l’incertitude sur les risques sanitaires des nanotechnologies. Si l’étiquetage «nano» est obligatoire depuis octobre 2015, l’association Agir pour l’Environnement n’a relevé aucune mention sur les listes d’ingrédients des produits alimentaires en juin 2016 ni en janvier 2017.
- Nanoparticules cosmétiques: le Règlement Cosmétiques exige la mention de la présence de nanomatériaux depuis juillet 2013. Mais l’étiquetage est loin d’être généralisé, principalement à cause de la définition des nanomatériaux (pour les cosmétiques, un nanomatériau est «un matériau insoluble ou bio-persistant, fabriqué intentionnellement et se caractérisant par une ou plusieurs dimensions externes, ou une structure interne, sur une échelle de 1 à 100 nm»). Certains cosmétiques se définissent «sans nano» pour se démarquer de leurs concurrents.
- Nanoparticules dans les biocides: la législation exige l’étiquetage des nanomatériaux depuis septembre 2013. Mais encore une fois, ce règlement est loin d’être respecté et on ne trouve quasiment aucune mention de nanomatériaux dans ces produits.
Nouvelles dispositions
Différentes dispositions sont actuellement mises en œuvre pour développer des outils législatifs adaptés. Au niveau Européen, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) a mis en place un programme de test de nanomatériaux manufacturés. Une liste prioritaire et une liste des paramètres de toxicité ont été établies. Enfin, un programme de collaboration entre REACH et l’ECHA (Agence Européenne des Produits Chimiques) est actuellement en cours pour élaborer des tests d’évaluation du risque. Aux Etats-Unis, la FDA a mis en place des plans de dialogues avec les industriels ainsi qu’un plan de recherche et un programme d’initiative afin d’améliorer l’évaluation du risque.
Enfin, un rapport de la Royal Society recommande que les nanomatériaux soient considérés comme des substances nouvelles et qu’ils subissent une évaluation complète du risque avant la mise sur le marché. Il recommande également que les industriels publient le détail des méthodes utilisées pour cette évaluation ainsi que la liste des ingrédients présents sous forme de nanoparticules dans les produits de consommation. Enfin, il insiste sur la priorité de l’étude de l’innocuité des nanomatériaux.
Encadré : Des projets européens Plusieurs programmes européens se sont développés ces dernières années. Le programme «Nanosafe2» développe et valide des tests de toxicité pulmonaire in vitro, afin de déterminer la cytotoxicité de différents types de nanomatériaux. Les premiers résultats montrent que les nanotubes de carbone et certaines nanoparticules (noir de carbone, dioxyde de titane, aluminium, cobalt, acier) semblent peu cytotoxiques. Mais d’autres nanoparticules métalliques (cuivre, zinc, argent) montrent une cytotoxicité plus importante. D’autres travaux du programme «Nanotox» montrent que la taille des particules est importante : des nanoparticules d’oxyde d’aluminium entre 2 et 4 nm ont un effet toxique plus important que les mêmes particules mesurant entre 40 et 47 nm. Afin d’évaluer le potentiel génotoxique des nanomatériaux, la commission européenne a mis en place le projet «Nanogenotox» entre 2010 et 2013. L’objectif principal était de développer une méthode de détection du potentiel génotoxique des nanomatériaux : 14 nanomatériaux ont ainsi été testés, représentant 3 familles de nanomatériaux (dioxyde de titane, dioxyde de silice et nanotubes de carbone). Les résultats n’ont pas montré de forte génotoxicité, mais certains effets ont tout de même été détectés, rendant nécessaires de nouvelles études. En France, un nouveau programme de recherche intitulé «Nano 2017» a été initié et fait suite au programme «Nano 2012». |
Conclusion
Aujourd’hui, il est difficile d’établir un consensus scientifique sur l’effet sanitaire des nanoparticules et leurs dangers potentiels. Le matériau mais également la taille sont deux fondamentaux à prendre en compte étant données les différences d’effet pour deux particules de même matière mais de taile différente. Mais de nombreux industriels continuent à mettre sur le marché des produits contenant des nanoparticules sans étude de toxicité préalable. Evaluer le ratio bénéfice/risque nous semble indispensable, de même que tenir compte du principe de précaution. Enfin, l’étiquetage des nanomatériaux serait également un premier pas dans le choix des consommateurs d’utiliser ou non des produits contenant des nanoparticules.
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